Aller au contenu principal
Yemen HungerStrike 3

Les autorités yéménites ont finalement libéré jeudi matin 17 des 22 jeunes de la révolution, détenus dans la prison centrale de Sanaa, alors qu'ils étaient en grève de la faim depuis trois semaines pour protester contre leur détention arbitraire qui a duré près de deux ans. Mardi 4 juin 2013, des sources médicales ainsi que des défenseurs des droits de l'homme ont confié à Alkarama que l'état de santé de ces 22 hommes se détériorait de façon inquiétante.

Les victimes avaient été arrêtées à la suite de l'attentat contre l'ancien Président Ali Abdallah Saleh et ses proches collaborateurs le 3 juin 2011, qui avait eu lieu dans le cadre d'affrontements armés entre les forces du régime et des militants de tribus opposantes. Nombre de ces détenus travaillaient alors pour la garde spéciale du président. Ils s'étaient ensuite ralliés aux mouvements populaires qui avaient fini par faire tomber la tête du régime. Arrêtés, ces hommes n'ont jamais été présentés à un tribunal ou un magistrat pendant deux ans. Le 3 mai 2013, le Président actuel Abd Rabbuh Mansur Hadi a émis une directive, intimant au Procureur Général de libérer ces détenus pour autant qu'aucune preuve n'ait été faite de leur implication dans l'attentat du 3 juin 2011 ni dans aucune autre affaire pénale. Le Procureur général a ignoré cette directive jusqu'au 6 juin 2013, les libérant finalement après des manifestations et des sit-in organisés par des proches de détenus et des militants des droits de l'homme, soutenus par la Ministre des droits de l'homme, Houria Machhour, qui a publiquement déclaré son adhésion à cette cause le dimanche 2 juin, après que le Président a de nouveau exigé la libération de ces détenus.

Dans un communiqué de presse paru le 3 juin, la Ministre a expliqué qu'aucune preuve n'avait été fournie par le Procureur Général à l'encontre des détenus. Elle a poursuivi en rappelant que « selon la loi, quiconque passant 6 mois en prison alors qu'il n'existe aucune preuve contre lui doit être libéré. Malgré cela, ces jeunes de la révolution sont détenus depuis deux ans, malgré la décision de réconciliation nationale prise par le gouvernement et les directives présidentielles émises pour les libérer. » La Ministre a par ailleurs révélé la détention arbitraire d'autres jeunes, outre les 17 de Sanaa, eux aussi en grève de la faim (19 à la prison de Hajja et 6 à celle de Hodeidah).

Dans une déclaration publiée dans les médias le 2 juin dernier, la Ministre des droits de l'homme
affirmait que les militants des droits de l'homme faisaient preuve d'un grand courage. Elle y a aussi exprimé la vive inquiétude de son Ministère quant à « l'état de santé de ces détenus en grève de la faim depuis 3 semaines après deux ans de détention arbitraire, ce qui constitue une violation flagrante des normes relatives aux droits de l'homme, de la législation yéménite ainsi que des traités internationaux. » La Ministre a réaffirmé sa grande préoccupation à propos des conséquences morales et physiques auxquelles s'exposaient ces détenus en grève de la faim, d'autant plus indignée que ces conséquences ont été causées par le refus d'appliquer la directive présidentielle numéro 108 de l'année 2012, basée sur les mécanismes exécutifs de l'initiative du Conseil de Coopération du Golfe et les résolutions du Conseil de Sécurité 2051 et 2014. La Ministre a dit regretter le retard de la mise en œuvre de la décision de libération tout en critiquant vivement la fragilité des arguments donnés pour justifier la détention illégale de ces hommes. La Ministre a estimé que l'arrestation et la détention de ces hommes, sans preuve ni justification légale, avaient été décidées en représailles contre ces jeunes qui avaient osé rêver d'un Yémen nouveau où règneraient justice, liberté, citoyenneté et respect des droits de l'homme et qui avaient participé à la création de l'aube du changement. En demandant une nouvelle fois la libération de l'ensemble de ces détenus et leur indemnisation pour l'injustice, les persécutions et la disparition forcée qu'ils ont subis, elle a fermement condamné quiconque chercherait à contourner ou à ignorer les directives présidentielles.

Au cours des trois dernières semaines, des sit-in ont été organisés à Sanaa par des centaines de proches de détenus ainsi que par des militants des droits de l'homme. Ils entendaient ainsi bien sûr exiger la libération immédiate des prisonniers mais également exprimer leur colère, face à la terrible injusticeque subissaient les détenus qui n'avaient fait que manifester de façon pacifique, alors que l'ancien président, coupable de la répression violente des opposants et de nombreuses violations des droits de l'homme avait bénéficié d'une totale impunité.

Dans une lettre publiée dans les médias récemment et où ils déclaraient « avoir décidé de quitter la prison, morts ou vifs », les détenus ont demandé leur libération immédiate ainsi qu'une enquête pour faire la lumière sur les causes de leur arrestation et sur ce qui s'était produit durant leur détention : disparition forcée pendant près de 8 mois et torture. Ils ont également visé le Procureur Général, affirmant que ce dernier les avait traités en ennemis et « qu'il n'avait pas protégé leurs droits, comme le prévoient pourtant la Constitution, les lois et cette directive présidentielle qu'il avait refusé d'appliquer. »

Dans cette lettre, les détenus demandaient également « une compensation équitable en rapport avec ce qu'ils avaient enduré », ainsi qu'une solution rapide pour leurs codétenus et amis issus de la révolution et dont le sort reste jusqu'à aujourd'hui inconnu. » Ils ont également adressé un message à leurs camarades de lutte ainsi qu'à tous les humains libres du Yémen et du monde : « Toutes les routes sont bloquées devant nous. Quand une lueur d'espoir apparaît, elle se transforme aussitôt en mirage. Malgré la chute des symboles du régime contre lesquels nous nous sommes levés, nous sommes toujours derrière les barreaux. Nous sommes oppressés, humiliéspendant que les assassins de jeunes manifestants et ceux qui ont spolié la révolution se retrouvent autour d'une table pour dessiner le Yémen de demain !! ».