Tunisie : Une jeune femme de vingt ans arrêtée et torturée en raison de son compte facebook

Le 5 décembre 2014, Alkarama a saisi en urgence le Rapporteur spécial contre la torture (SRT) du cas d'une jeune femme d'une vingtaine d'années, dont la famille souhaite que le nom ne soit pas divulgué, arrêtée et torturée par les services de sécurité sous prétexte de lutte contre le terrorisme.

La victime – arrêtée dans le courant du mois d'octobre par des agents de la brigade antiterroriste et emmenée dans leurs locaux pour y être interrogée – a rapporté à ses avocats que, dès son arrivée, elle avait été déshabillée de force, battue à coup de poings, de pieds et à l'aide d'un bâton, puis menacée de viol si elle n'avouait pas avoir tenu deux comptes facebook liés à un mouvement terroriste, accusations qu'elle a catégoriquement niées.

Evacuée d'urgence à l'hôpital après avoir perdu connaissance, le médecin de service a requis son transfert immédiat vers un centre médical spécialisé en traumatologie, ce que les agents de la brigade antiterroriste ont refusé. En dépit de la gravité de son état, elle a été ramenée dans les locaux de la police où elle a continué à subir des tortures les jours suivants.

A l'issue de sa détention au secret pendant six jours, la jeune femme a été présentée devant le juge d'instruction du tribunal de Tunis. Le magistrat n'a pas manqué de constater son état et les traces visibles de récentes de torture qu'elle portait. Cependant, celui-ci a reporté l'audition de la victime à la semaine suivante sans même ordonner une expertise médicale.

Sur insistance des avocats et de la victime, le procureur adjoint a finalement accepté de l'entendre sur les actes qu'elle a subis. Bien que le magistrat ait ordonné une expertise médicale, aucun examen n'a été effectué. En outre, le médecin de la prison a également refusé de constater qu'on l'avait torturé.

Au cours de sa détention préventive, de nouvelles poursuites ont été ouvertes contre la jeune femme dans le cadre d'une deuxième affaire. Elle a alors été extraite par la brigade antiterroriste de la prison avec l'autorisation du juge d'instruction pour être à nouveau interrogée. Emmenée dans les locaux de l'unité de lutte antiterroriste, elle a été encore menacée et brutalisée afin de la contraindre à confirmer de nouvelles accusations.

Sa famille est particulièrement inquiète ; elle craint que sa fille ne soit de nouveau remise par le juge d'instruction à la brigade antiterroriste et qu'elle ne soit encore torturée.

Force est de constater qu'en dépit d'une procédure pénale en cours contre un prévenu détenu, celui-ci risque toujours de subir des tortures hors de l'établissement pénitentiaire avec l'aval d'un magistrat qui le soustrait de fait à toute protection de la loi en autorisant la police à continuer de l'interroger dans ses locaux.

Alkarama a soumis le cas de la victime au Rapporteur spécial contre la torture (SRT) en l'appelant à intervenir en urgence auprès des autorités tunisiennes afin de leur rappeler leurs obligations découlant de la ratification de la Convention contre la torture et notamment d'interdire que des personnes détenues ne soient extraites d'un établissement pénitentiaire pour être interrogées dans les locaux de la police en dehors de toute protection de la loi.

Alkarama rappelle également que les autorités tunisiennes ont l'obligation d'ouvrir des enquêtes impartiales et indépendantes sur les allégations de tortures formulées par les victimes et qu'elles doivent s'abstenir d'utiliser des aveux soustraits sous la torture dans le cadre des procédures judiciaires.

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