Tunisie : Passivité de l’administration pénitentiaire face à l’état de santé déplorable d’un détenu

Le 19 décembre 2014, Alkarama a sollicité le Rapporteur spécial sur le droit de toute personne à jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible concernant le cas de Mohammed Al Ferchichi, ouvrier de 36 ans arrêté et torturé par les autorités tunisiennes.

Le 28 octobre, M. Al Ferchichi a reçu un appel téléphonique de sa sœur lui annonçant l'arrestation de l'un de leurs frères en lui précisant que les services de sécurité affirmaient être disposés à le libérer si lui-même se rendait. Il s'est alors présenté deux jours plus tard dans les locaux de la police où des agents de la Brigade antiterroriste l'ont immédiatement arrêté, sans mandat de justice.

Accusé d'appartenir à une organisation incitant au terrorisme ainsi que de détenir des armes à feu − accusations fondées sur les seules déclaration d'un autre prévenu, qui s'était par la suite rétracté devant le juge en faisant état d'avoir été contraint à signer sous la torture – M. Al Ferchichi a été conduit au siège de l'Unité nationale d'enquête sur les crimes antiterroristes d'El Gorjani à Tunis.

Il témoigne avoir été battu à coup de pieds et de poings sur différentes parties du corps, avoir été électrocuté, brûlé et fouetté, et avoir subi des sévices sexuels, le tout dans le but de lui extraire des aveux.

Le 3 novembre, au cours de sa garde à vue et en raison de la gravité de son état, M. Al Ferchichi a été évacué d'urgence à l'hôpital Habib Thameur. Le médecin du service a relevé dans son rapport des traces de violence et de traumatisme sur tout le corps. En dépit de ce constat alarmant, la victime a été privée de soins et ramenée dans les locaux du centre de sécurité où elle a été à nouveau soumise à la torture.

Après six jours de détention au secret dans le centre de sécurité et épuisé par la torture, M. Al Ferchichi a finalement été forcé à signer un procès verbal sans être autorisé à le lire. Il a ensuite été présenté, sans la présence de son avocat, devant le juge d'instruction du tribunal de Tunis qui n'a pas manqué de constater son état déplorable mais qui a cependant refusé de tenir compte des affirmations relatives aux tortures subies et a ordonné son incarcération à la prison de Mornaguia.

Alertée par sa famille qui avait constaté la gravité de son état lors de la visite en prison, son avocate a sollicité qu'il bénéficie de soins urgents. Le 11 novembre 2014, M. Al Ferchichi a été présenté au médecin de la prison qui a fait le même constat que son confrère de l'hôpital Habib Thameur. Cependant, il n'a pu bénéficier de soins qu'après l'intervention de la Croix-Rouge internationale.

La prise en charge de la victime reste, selon la famille, insuffisante, l'administration pénitentiaire ayant refusé de le transférer à l'hôpital pour une opération chirurgicale prescrite en urgence par le médecin du centre de détention. La famille de M. Al Ferchichi exprime des craintes que celui-ci ne subisse des séquelles irréversibles sur sa santé s'il ne bénéficie pas dans les plus brefs délais d'une prise en charge médicale.

Préoccupée par sa situation, Alkarama a demandé aux procédures spéciales de l'ONU d'intervenir d'urgence auprès des autorités tunisiennes afin d'assurer à M. Al Ferchichi un accès aux soins. Ce cas s'inscrit dans le cadre de la lutte contre le terrorisme que mène l'État tunisien, prétexte utilisé pour légitimer des violations systématiques des droits de l'homme, et raison pour laquelle Alkarama a récemment appelé les experts du Sous-Comité pour la prévention de la torture à visiter le pays.

Le cas de M. Al Ferchichi est l'un des rares cas où un avocat a réussi à obtenir des rapports médicaux concernant un client qui a subis la torture. Mais force est de constater qu'en dépit de l'obtention de tels certificats, les autorités n'en tiennent pas compte, ne fournissent pas les soins adéquats et n'ouvrent toujours pas d'enquêtes afin de sanctionner les auteurs des actes de tortures.

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