Maroc : MM. Younes Zarli et Saïd Ezziouani victimes de graves tortures durant leur détention au secret

Alkarama a appris que Younes Zarli et Saïd Ezziouani tous deux détenus dans la prison de Salé ont fait l'objet de graves tortures durant leur détention au secret avant leur mise en examen. Ils avaient été enlevés par des agents des services de la direction de la surveillance du territoire (DST) respectivement les 11 et 12 avril 2010 à Casablanca et disparu pendant près d'un mois.

Alkarama s'est adressée le 25 juin 2010 au Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste et au Rapporteur spécial sur la torture leur demandant d'intervenir auprès des autorités marocaines afin que celles-ci ordonnent une enquête sur les allégations de torture et que les aveux soutirés sous la torture ne soient pas utilisés dans leur procès.

M. Younes ZARLI, âgé de 29 ans, est marié et père d’un enfant. Il réside à Casablanca. Il a été enlevé le 11 avril 2010 à l’entrée de son domicile et il est resté détenu au secret et privé de tout contact avec le monde extérieur près d’un mois avant d’être déféré devant le juge d’instruction de la Cour d’Appel de Rabat le 06 mai 2010.

M. Saïd EZZIOUANI, âgé de 30 ans, réside à Casablanca. Il a été enlevé sur la voie publique le 12 avril 2010 et est resté détenu au secret, privé de tout contact avec le monde extérieur près d’un mois avant d’être déféré devant le juge d’instruction de la Cour d’Appel de Rabat le 06 mai 2010.

Alkarama avait alerté le Groupe de travail sur la disparition forcée de leur situation respective les 20 et 21 avril 2010. Après avoir été enlevés par des agents des services de renseignement, les familles n’ont eu aucune information sur le lieu où ils se trouvaient ni sur leur sort alors que la période légale maximale de garde-à-vue de 12 jours était largement dépassée. C’est donc après plusieurs semaines de détention au secret qu’ils ont été présentés devant un juge.

Durant les périodes où M. Younes ZARLI et M. Saïd EZZIOUANI ont été placés hors de toute protection légale, ils ont fait l’objet de graves tortures et de traitements cruels, inhumains et dégradants.

M. Younes ZARLI a été enlevé par les agents des services de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) et emmené directement au centre de détention de Témara où il est resté détenu 16 jours avant d’être transféré au commissariat de police de Maarif à Casablanca. Les agents de la DGST n’ont pas la qualité d’officiers de la police judiciaire et ne sont donc pas habilités à détenir des prévenus dans leurs locaux ni à effectuer des enquêtes préliminaires.

A son arrivée à Témara, M. Younes ZARLI rapporte avoir été dépouillé de tous ses vêtements et sauvagement battu. Durant les interrogatoires successifs qui ont suivi, il s’est vu plusieurs fois administrer des stupéfiants. Il a également été menacé de voir sa famille amenée à son tour à Témara s’il ne reconnaissait pas tous les faits qu’ils lui ont été dictés.

Il a ensuite été transféré au poste de police de Maarif à Casablanca où il a continué à être détenu au secret durant plusieurs jours encore jusqu’à ce que l’avocat constitué par la famille finisse par apprendre où il se trouvait et qu’il allait être déféré le lendemain devant le juge d’instruction.

M. Saïd EZZIOUANI, a quant à lui été enlevé sur la voie publique le 12 avril 2010 et emmené aussitôt au centre de détention de Témara où il est resté détenu 14 jours avant d’être transféré au poste de police de Maarif à Casablanca.

Il a lui aussi été dépouillé de tous ses vêtements dès son arrivée et violemment battu. Des interrogatoires se sont succédés pendant plusieurs nuits de façon à le priver délibérément de sommeil. A trois reprises, ses mains ont été attachées l’empêchant de se protéger lorsqu’il était frappé directement au visage. Il lui a aussi été administré de l’eau contenant des substances stupéfiantes. Lorsqu’ensuite il a été transféré à Casablanca, il a été encore violemment battu à deux reprises par des officiers de police cette fois.

De telles pratiques ont eu pour unique objectif de dicter des déclarations sous la torture. Ces déclarations sont ensuite consignées dans des procès verbaux dont les dates d’arrestations sont falsifiées et ne correspondent pas aux véritables dates d’enlèvement des victimes par les services de renseignement.

A l’occasion de leur première comparution devant le juge d’instruction, les deux hommes ont catégoriquement réfuté les accusations formulées contre eux. Ils ont cependant été placés en détention provisoire et ils attendent à ce jour la fin de l’instruction et leur procès.

Leurs familles craignent cependant aujourd’hui que les aveux extorqués au moyen de la torture ne soient utilisés contre eux au cours de leurs procès à venir, comme cela est devenu la règle devant la Cour d’appel de Salé, juridiction de jugement compétente en l’espèce, et ne servent à les faire condamner lourdement.

Les familles craignent par ailleurs que ces poursuites aient un lien avec la situation de leurs frères respectifs, M. Saleh ZARLI et M. Abderrahim EZZIOUANI, condamnés lourdement à la suite des attentats de Casablanca du 16 mai 2003.

Les circonstances actuelles des arrestations de M. Younes ZARLI et de M. Saïd EZZIOUANI sont de toute évidence une nouvelle manifestation des abus possibles par les agents de l’Etat sous couvert de la lutte contre le terrorisme.

Il convient de relever que le Comité contre la torture dans ses observations finales à l’issue de l’examen du rapport périodique du Maroc en date du 5 février 2004 (CAT/C/CR/31/2) se disait déjà très préoccupé de l’accroissement du nombre d’allégations de torture et de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, impliquant la Direction de la surveillance du territoire.

Le Royaume du Maroc a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques le 03 mai 1979 et la Convention contre la torture le 21 juin 1993. Le Maroc a levé sa réserve concernant l’article 22 de la Convention contre la torture le 19 octobre 2006.