
Personnalité religieuse connue au Maroc, M. Mohamed El-Kettani a été arrêté par la police de Salé le 6 février 2003 et libéré deux jours après par le parquet. Apprenant qu'il était de nouveau recherché, il s'est présenté le 13 février 2003 au procureur de Rabat qui l’a cette fois inculpé et placé en détention provisoire notamment pour « association de malfaiteurs » et « rassemblements illicites ». En dépit de l’absence totale de lien avec d’autres personnes poursuivies pour les attentats du 16 mai 2003 à Casablanca ou de tout élément de preuve dans son dossier, il a été jugé avec eux et condamné en septembre 2003 à 20 ans de prison.
Devant les graves violations de ses droits fondamentaux dont il est victime, Alkarama a saisi le 7 avril 2010 une communication au Groupe de travail sur la détention arbitraire pour lui demander de qualifier la détention de M. El-Kettani d'arbitraire et d'intervenir auprès des autorités marocaines afin qu'elles prononcent sa libération.
M. Mohamed Hassan Echerif El-Kettani, 38 ans, domicilié à Rabat, à été convoqué par la police de Salé le 6 février 2003 à la suite d’une prétendue plainte l’accusant de troubler la tranquillité du quartier depuis qu’il était l’imam de la mosquée « Mecca » et d’avoir introduit dans ses prêches des déviances dans le rite musulman malékite. Il a été placé en garde à vue par la police et s’est vu également reprocher pèle mêle de faire usage de fausse qualité en prêchant sans autorisation, d’inciter à la violence et au Jihad, de ne pas appeler à la bénédiction sur la personne du roi au cours de ses sermons, d’avoir distribué dans la mosquée et à l’extérieur de celle-ci des publications interdites, d’avoir tenu des réunions interdites tant dans les locaux de la mosquée qu’à l’extérieur etc.
Présenté devant le parquet le 8 février 2003, M. El-Kettani a été auditionné par le procureur du roi. Cette audition a révélé la fausseté des accusations dont il faisait l’objet : Celui-ci était en effet légalement autorisé à prêcher dans les mosquées et aucune preuve matérielle n’a été apportée par la police chargée de l’enquête préliminaire. Il a donc été libéré.
Quelques jours plus tard, le 13 février 2003, M. El-Kettani a appris qu’il était recherché ; il s’est alors présenté de son propre chef devant le procureur près la Cour d’appel de Rabat. Il a été interrogé sur les mêmes faits et s’est vu alors notifier par ce magistrat l’accusation « d’association de malfaiteurs », de « réunion illégale », de « constitution d’association non autorisée » et « d’usurpation de fonction », accusations qu’il a totalement rejetées dès sa première comparution ; il a été alors inculpé et placé en détention provisoire à la prison de Salé.
Pour donner une certaine consistance aux poursuites pénales, M. EL-Kettani s'est vu également accusé d’avoir été invité par le passé à des rassemblements non autorisés de membres ou de partisans d’une organisation dénommée par les services de sécurité la « Salafya jihadya ». Le procès verbal établi par les agents de la police judiciaire l’ayant présenté comme un élément « actif » de cette organisation. M. El-Kettani a toujours rejeté ces accusations et clamé son innocence.
L’audition des témoins par le juge d’instruction, ainsi que l’absence de tout élément matériel dans le dossier d’enquête préliminaire ont révélé que les procès verbaux établis par la police judiciaire et qui constituaient la base des poursuites engagées contre M. El-Kettani étaient sans fondement, et pour ce qui concerne les deux principaux plaignants, des faux.
Au terme de cette instruction, fin mars 2003, M. El-Kettani s’attendait donc légitimement à faire l’objet d’une ordonnance de non lieu, ou tout au moins, à bénéficier d’une mesure de liberté provisoire jusqu’à un éventuel procès. Le juge d’instruction a néanmoins refusé en date du 02 avril 2003 sa mise en liberté provisoire ainsi que celles de ses deux coaccusés arrêtés quelques jours après lui, MM. Hichem SABER et Mohammed Abdelwaheb AL RAFIKI, sans motiver sa décision, et a décidé de les maintenir en détention sans renvoyer l’affaire devant la juridiction de jugement.
A la suite des attentats terroristes de Casablanca le 16 mai 2003, le juge d’instruction de la Cour d’appel de Rabat a alors décidé de renvoyer l’affaire devant la Cour d’appel de Casablanca qui avait ouvert une procédure contre 31 personnes poursuivies dans le cadre de ces attentats (Affaire dite Youssef Fikri). Ces personnes avaient été, pour la plupart, arrêtées au cours des mois d’octobre à décembre 2002 dans cette ville et accusées d’appartenance à l’organisation de la « Salafya jihadya ».
Le parquet général a requis l’ouverture d’une instruction sur la base de nouvelles charges contre M. El-Kettani parmi lesquelles la constitution d’une association criminelle, l’homicide volontaire, la complicité d’homicide volontaire, l’atteinte à la sûreté de l’Etat etc.
Celui-ci a de nouveau contesté avec force ces nouvelles accusations au cours de ses deux auditions par le juge d’instruction de la Cour d’appel de Casablanca. Aucun élément dans le dossier pénal ne justifiait la jonction de ces deux affaires mais le juge d’instruction de la Cour d’appel de Casablanca a néanmoins décidé son renvoi devant la chambre criminelle du chef des accusations citées précédemment.
M. El-Kettani a ainsi été déféré devant la Cour d’appel de Casablanca le 25 septembre 2003 qui l'a condamné à vingt années d’emprisonnement sur la seule base des déclarations de témoins entendus par la police et qu’elle a pourtant refusé de convoquer, d’entendre et de confronter avec l’accusé. De toute évidence, M. El-Kettani n’a pas été en mesure de bénéficier des garanties fondamentales pour un procès équitable.
Plus grave encore, il résulte des motifs de l’arrêt de condamnation rendu par la Cour, qu’il appartenait aux accusés de rapporter la preuve de la fausseté des déclarations des témoins en violation du principe fondamental de la présomption d’innocence.
La victime s’est pourvue en cassation contre cette décision de la Cour d’appel de Casablanca. Ce n’est que le 24 janvier 2007, soit près de quatre années après son arrestation, que la Cour suprême de Rabat a cassé le jugement déféré au motif que « l’absence de réponses aux demandes des différentes parties privait de tout fondement juridique la décision de la Cour d’appel ».
La juridiction de contrôle a décidé de renvoyer l’affaire pour réexamen devant la même Cour. Le deuxième procès de M. El-Kettani a fait l’objet de 10 reports totalement injustifiés et dénoncés par ses avocats et par les ONG de défense des droits de l’homme. En définitive, la Cour d’appel l’a de nouveau condamné à 20 ans d’emprisonnement le 2 mai 2009, sans tenir compte des motifs qui ont abouti à la cassation du jugement.
Au cours de cette audience et à l’issue du prononcé du jugement de condamnation le juge a déclaré textuellement à M. El-Kettani : «Je n'ai pas rien contre vous dans ce dossier, mais j’ai pris en considération l’affaire dans son ensemble». Cette déclaration particulièrement grave d’un magistrat à l’issue d’une condamnation aussi lourde établit à elle seule et d’une manière incontestable son caractère exclusivement politique.
Ce deuxième jugement a fait l’objet d’un nouveau pourvoi en cassation actuellement pendant devant la Cour suprême de Rabat.
M. El-Kettani entame sa huitième année de détention dans des conditions particulièrement difficiles ; la procédure devant la Cour suprême risque de durer encore plusieurs années, ce qui constituerait encore une fois une violation de son droit à être jugé dans un délai raisonnable.
Un comité de soutien composé de personnalités politiques éminentes du Maroc, de toutes tendances politiques confondues, parmi lesquelles plusieurs présidents de partis politiques, s’est constitué pour lui apporter son soutien et dénoncer les persécutions judiciaires dont il fait l’objet.
Il est évident que M. Mohamed Hassan Echerif El-Kettani est arbitrairement privé de sa liberté depuis aujourd’hui plus de sept années, pour des motifs liés exclusivement à ses opinions et convictions politiques et religieuses.
Nous rappelons que le Maroc a ratifié le Pacte international relatif aux droits civils et politiques le 03 mai 1979 et que les atteintes à ses droits fondamentaux dont est victime M. El-Kettani constituent des violations évidentes, non seulement de la loi interne mais également de dispositions importantes de ce Pacte international.