Maroc: Grève de la faim dans la prison de Salé pour protester contre la détention arbitraire

Depuis la mi-mai 2010, de nombreux détenus de la prison civile de Salé, située près de Rabat, ont entamé une grève de la faim pour protester contre les conditions d'emprisonnement, mais aussi contre  leurs arrestations et détentions qu'ils considèrent comme arbitraires. Parmi eux figurent des personnes pour lesquelles Alkarama avait alerté les procédures spéciales de l'ONU à la suite de leur enlèvement suivi de disparition forcée.

A la date du 10 juin 2010, plus d'une vingtaine de détenus de la prison de Salé sont en grève de la faim illimitée. Ils l'ont entamée à des moments différents à partir de la mi-mai et il est probable que de nombreux autres détenus les aient rejoint depuis.

Parmi ces prisonniers figurent des condamnés à des peines de prison allant de 4 à 8 ans qui protestent contre leur arrestation arbitraire, leur détention au secret, les tortures physiques et psychologiques subies et enfin leur condamnation lors de procès iniques ne respectant pas les principes les plus élémentaires d’un procès équitable. Ils demandent à être libérés et indemnisés pour les préjudices subis.

D'autres détenus en attente de leur procès sont également en grève de la faim illimitée considérant être détenus arbitrairement. Ils ont été arrêtés brutalement, détenus au secret et ont subi de graves tortures physiques et psychologiques. Parmi eux figurent deux personnes pour lesquelles Alkarama avait envoyé au Groupe de travail sur la disparition forcée un appel urgent.
 

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Younès Zarli

Il s'agit de M. Younès ZARLI qui a été détenu au secret à partir du 11 avril 2010 à différents endroits notamment dans le centre de détention secrète de Temara jusqu'à sa présentation au juge d’instruction auprès de l’annexe de la Cour d’appel de Rabat le 6 mai à Salé. Il rapporte avoir été torturé, drogué et contraint de signer des déclarations qu'il n'a pas été autorisé à lire. Il exige sa libération immédiate.

Quant à M. Saïd EZZIOUANI, il avait été arrêté à Casablanca le 12 avril 2010 et détenu au secret durant 24 jours au cours desquels il a été privé de tout contact avec le monde extérieur. Lui aussi a entamé une grève de la faim illimitée pour protester contre les charges retenues contre lui qui selon lui sont dénuées de tout fondement, accusations portées par les agents des services de renseignement qui lors de sa détention au secret l'ont torturé et drogué.

Tous les détenus en grève de la faim protestent contre les accusations sans fondements portées contre eux par les services de renseignement et le juge d'instruction en charge de l'instruction des affaires liées au « terrorisme » auprès de la Cour d'appel à Salé.

Nous rappelons que depuis les attentats commis à Casablanca en 2003, les services de sécurité marocains ont procédé à des milliers d'arrestations arbitraires. Les personnes interpellées sont souvent détenues au secret et torturées dans le centre de Temara contrôlé par la Direction de la surveillance du territoire (DST). Accusées d'activités terroristes, elles sont condamnées au cours de procès expéditifs à de lourdes peines sur la base d'aveux soutirés sous la torture ou de charges fallacieuses présentées par les services responsables de l'instruction.

Dans le cadre de sa visite au Maroc qui s’est déroulée entre le 22 et 25 juin 2009, le Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires a eu l’occasion de souligner dans son rapport de mission (A/HRC/13/31/Add.1) en date du 9 février 2010 qu’il avait reçu des allégations selon lesquelles des arrestations, des enlèvements ou des détentions provisoires de longue durée principalement dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, avaient eu lieu sans que les victimes n’aient eu accès à un avocat ni que leurs familles ne soient informées.

Alkarama est particulièrement préoccupée par le nombre croissant de cas de violations des droits humains constaté au Maroc qui connaît une régression importante en matière de respect des droits de l’homme . Elle appelle les autorités du Royaume à respecter les droits fondamentaux des citoyens marocains dans le cadre de ses engagements internationaux souscrits en adhérant notamment au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à la Convention contre la torture.