L’ONU demande à l’Algérie de mettre un terme aux restrictions au droit à la liberté d’expression

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Adlène Mellah - Reda City - Amir DZ

Le 23 janvier 2019, plusieurs experts de l’ONU ont envoyé une lettre aux autorités algériennes dénonçant les mesures de représailles commises par les autorités contre plusieurs blogueurs et journalistes algériens pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d’expression.

La lettre rendue publique aujourd’hui est co-signée par les membres du Groupe de travail sur la détention arbitraire, le Rapporteur spécial sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression et le Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme.

Elle fait référence aux mesures de représailles contre Amir Boukhors, connu sous son nom de bloggeur Amir DZ, dont le père Houari et le frère Nedjadi avaient été arrêtés ainsi qu’aux journalistes Mohamed « Abdou » Semmar, Adlène Mellah et Abd Al Hamid Goura.  Cette lettre fait suite à plusieurs actions urgentes  menées par Alkarama auprès de l’ONU suite à leurs arrestations et détentions arbitraires entre les mois d’octobre et de décembre 2018.

Amir DZ, dénonce régulièrement sur sa page Facebook les graves affaires de corruption touchant de hauts dignitaires algériens.

Le directeur des sites d’information Algérie Direct et Dzair Presse, Adlène Mellah, avait été arrêté le 9 décembre 2018 lors d’une manifestation de soutien au chanteur Reda City 16 qui était alors détenu à la prison d’Al Harrach à Alger. Mohamed « Abdou » Semmar est journaliste et directeur du site d’informations en ligne Algérie Part. Il est également le correspondant en Algérie de l’ONG «Internet sans frontières».

Dans sa plainte aux experts de l’ONU, Alkarama avait appelé ces derniers à enjoindre aux autorités algériennes de libérer immédiatement toutes les personnes arrêtées pour avoir critiqué de manière pacifique les autorités. En effet, en tant qu’Etat partie au Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP) ratifié en 1989, l’Algérie a l’obligation légale de respecter et de protéger l’exercice pacifique du droit à la liberté d’expression.

Après s’être penché sur les violations subies par les plaignants, les experts de l’ONU ont donné 60 jours aux autorités d’Alger pour répondre à leurs questions et expliquer si toutes les mesures « nécessaires pour assurer la protection des droits et des libertés des individus mentionnés, de diligenter des enquêtes sur les violations qui auraient été perpétrées et de traduire les responsables en justice » avaient été prises.

Les experts ont exprimé leurs craintes que les arrestations et détentions référées à leur attention ne s’inscrivent dans le contexte d’une restriction du droit à la liberté d’expression à l’approche des élections d’avril 2019 et où plusieurs journalistes, bloggeurs et défenseurs des droits de l’homme ainsi que leurs proches auraient été victimes « d’actes d’intimidation et poursuivi en justice pour avoir mené à bien leur travail.

Les experts onusiens ont souligné les effets que pouvaient avoir de telles mesures de représailles sur l’ensemble de la société algérienne. En effet dans leur lettre aux autorités ceux-ci affirment : « nous craignons que ces mesures constituent une tentative des autorités de restreindre la liberté d’expression des journalistes, bloggeurs et défenseurs des droits de l’homme sur la toile et induisent un sentiment de peur pour tous les usagers des réseaux sociaux en Algérie ». De plus, et comme l’ont souligné les experts, restreindre la liberté d’expression entrave le droit d’une société à être informée des affaires publiques. La lettre souligne ainsi que « ces actions représentent une restriction au droit du public à l’information, en particulier le droit à l’information sur les cas de corruptions dénoncés ainsi que sur d’autres violations des droits de l’homme ».

L’ONU a donc enjoint aux autorités algériennes de respecter ses obligations internationales et de  « veiller à ce que les défenseurs des droits de l’homme, y compris bloggeurs, journalistes et membres d’associations puissent exercer leurs droits et travailler dans un environnement favorable, où ils peuvent mener leurs activités légitimes sans crainte de harcèlement, de stigmatisation, de répression ou de criminalisation de quelque nature que ce soit ».

Alkarama continuera de suivre avec beaucoup d’attention la situation en Algérie, en particulier la question du respect par les autorités des libertés fondamentales des citoyens protégées par les Conventions et pactes internationaux dans le contexte du soulèvement pacifique et généralisé de la population depuis le 22 février 2019.

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