Liban : Détentions au secret suite aux affrontements armés de Saïda

LEB Detentions Saida Clashes

A la suite des affrontements armés à Saïda les 23 et 24 juin derniers qui ont entrainé des pertes humaines importantes, les forces armées libanaises ont procédé à une vaste opération de recherche dans la ville et ses banlieues. Dans ce contexte, au moins 140 personnes ont été arrêtées, dont au moins 27 qui restent en détention. Alkarama a été informé que les familles de deux des détenus, Ahmad et Jamal*, restent sans nouvelles de leurs proches. Des témoignages de détenus libérés laissent craindre qu'ils ne soient actuellement torturés.

Aussi, Alkarama appelle les autorités libanaises à mettre un terme à la détention au secret des personnes arrêtées suite aux affrontements à Saïda, de leur accorder le droit de contacter leurs familles respectives et l' avocat de leur choix et d'être placés sous la protection de la loi ou d'être remis en liberté.

Ahmad aurait quitté son domicile à Saïda en début d'après-midi du 24 juin. Vers 17 heures, il a appelé ses proches pour leur demander de venir le chercher devant la mosquée Bahaa Eddine Hariri. Arrivée sur les lieux, sa famille a constaté qu'il ne s'y trouvait pas. Elle n'a eu aucune nouvelle de lui depuis ce jour.

Un proche d'Ahmad qui a également été arrêté pendant les rafles et relâché le 27 juin a rapporté avoir été détenu avec lui d'abord dans les locaux des services de renseignement militaires à Zgheib et ensuite au siège du ministère de la Défense. Il a affirmé qu'ils avaient tous deux été gravement torturés.

Ce témoignage fait écho à celui d'Ali* qui, arrêté le même jour que lui à un point de contrôle militaire et ensuite remis en liberté le 27 juin, rapporte avoir été violemment battu à coups de poings et de pieds sur toutes les parties du corps y compris la tête, qu'un militaire a écrasé sa cigarette sur son dos et qu'il a été insulté et humilié à plusieurs reprises par des militaires au cours de sa détention. Ses tortionnaires l'ont contraint à signer des documents.

Jamal, quant à lui, aurait quitté son domicile l'après-midi du 24 juin. Les seules informations dont disposent ses proches depuis ce jour-là leurs ont été communiquées par une personne détenue avec lui qui a été libérée le 27 juin 2013. Ce témoin a été détenu avec lui dans les locaux des services de renseignement de l'armée à Zgheib dans la banlieue de Saïda ainsi qu'au siège du ministère de la Défense. La famille de Jamal est particulièrement inquiète d'autant plus que le témoin hésitait visiblement à leur décrire l'état dans lequel il se trouvait. 

Tant que Jamal et Ahmad ainsi que toute autre personne arrêtée suite aux affrontements à Saïda restent détenu au secret, il y a des motifs sérieux de croire que leurs droits à la vie et à leur intégrité physique et morale sont menacés.

Hier, Alkarama a soumis en urgence les cas d'Ahmad et de Jamal au Rapporteur spécial contre la torture de l'ONU afin qu'il intervienne auprès des autorités libanaises pour leur demander de prendre toute mesure nécessaire pour empêcher qu'ils ne soient torturés, qu'ils puissent immédiatement contacter leurs familles respectives ainsi que l'avocat de leur choix, qu'ils soient placés sous la protection de la loi ou libérés.

Alkarama rappelle en outre aux autorités libanaises leur obligation, en vertu de la Convention contre la torture des Nations Unies à laquelle elles sont partie, de mener des enquêtes exhaustives et impartiales sur tous les cas de torture portés à leur connaissance et leur enjoint d'affirmer qu'aucune circonstance exceptionnelle ne peut être invoquée pour justifier de tels abus.

 

*Des noms d'emprunt ont été utilisés pour protéger la sécurité des victimes et de leurs familles.