Irak : 229 Recommandations de l’ONU pour Remédier aux Graves Violations des Droits de l’Homme

Le 3 novembre 2014, le deuxième Examen périodique universel (EPU) de l'Irak s'est tenu au Palais des Nations à Genève. Ce processus vise à évaluer, tous les quatre ans, la situation des droits de l'homme dans chaque État membre des Nations Unies par le Conseil des droits de l'homme (CDH). Depuis son premier EPU, la situation des droits de l'homme en Irak s'est détériorée à la suite de la guerre civile et des divisions internes résultant de l'occupation américaine, le tout dans un contexte de crise régionale. Les carences des institutions irakiennes demeurent la cause de la multiplication des violations des droits de l'homme par le pouvoir, qui restent impunies. Des efforts importants devront également être entrepris par les autorités irakiennes pour mettre fin à la multiplication alarmante des violations des droits de l'homme.

La délégation officielle irakienne, dirigée par le Dr. Abdulkareem Abdulah Al Janabi Shallal, sous-ministre des droits de l'homme, a présenté le rapport national de l'Iraq au CDH. Dr. Al Janabi a souligné les principales réussites de son pays depuis son dernier examen en 2009, déclarant que, non seulement les élections tenues en 2013 et 2014 avaient inclus des groupes minoritaires, mais aussi que l'Irak avait ratifié plusieurs traités relatifs aux droits de l'homme, y compris la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées en 2010 ainsi que la Convention contre la torture et autres traitements cruels, inhumains ou dégradants en 2011. Il a toutefois omis d'expliquer l'absence de mesures visées à éradiquer, en droit et en fait, ces pratiques.

Al Janabi a également souligné la récente création de deux mécanismes de droits de l'homme pour mettre en œuvre leur nouveau plan des droits de l'homme sous la forme d'une Cour des droits de l'homme et d'un nouveau mécanisme pour diriger les plaintes du Haut-commissariat aux droits de l'homme vers le Procureur général d'Etat. Comme attendu, la délégation irakienne a concentré une grande partie de son attention sur la menace de l'État islamique (EI) qui a conduit à un nombre croissant de victimes et de personnes déplacées, et mené des attaques contre des groupes minoritaires, y compris des femmes et des enfants. Cette lutte contre le terrorisme a été utilisée comme prétexte à de nombreuses violations des droits de l'homme dans le pays.

La présentation de la délégation irakienne a été suivie par un dialogue interactif avec les autres États membres de l'ONU. Plusieurs États ont soulevé des préoccupations relatives à la situation générale des droits de l'homme en Irak, appelant au renforcement de ses institutions nationales de défense des droits de l'homme, à une protection plus efficace des femmes et des minorités, et à un véritable respect de la liberté d'expression.

L'Irak a également été rappelé de son obligation de respecter les droits de l'homme et le droit international humanitaire dans sa lutte contre l'EI. A ce sujet, la Suisse, la Turquie et les États-Unis ont appelé l'Irak à s'assurer que les membres des milices contrôlées par l'État et d'autres groupes armés non étatiques soient tenues responsables de leurs exactions. Afin de s'assurer que les violations commises par tous les acteurs fassent l'objet d'enquêtes et de sanctions, un grand nombre d'États – la Serbie, la Slovénie, les Pays-Bas, la Pologne, la Suisse, la Belgique, l'Estonie, la France, l'Allemagne, la Slovaquie, l'Uruguay et le Guatemala – a appelé l'Irak à ratifier le Statut de Rome de la Cour pénale internationale (CPI).

Les recommandations essentielles d'Alkarama, présentées dans son rapport soumis au CDH, et récemment mises en évidence au cours de deux séances d'information, ont été relayées par un certain nombre de délégations étatiques:

• Plusieurs États, dont la Norvège, l'Autriche, l'Espagne et la République tchèque, ont recommandé à l'Irak d'enquêter sur les cas de torture, en appelant à la réforme plus que nécessaire du système judiciaire afin de mettre un terme à cette pratique et autres abus similaires ; le Paraguay a ajouté que les preuves fondées sur des aveux extorqués sous la torture ne devraient jamais être admises dans le cadre de procédures judiciaires ; plusieurs États ont enfin demandé à l'Irak d'envisager de ratifier le Protocole facultatif à la Convention contre la torture (OPCAT) et d'adresser une invitation au Rapporteur spécial sur la torture et autres traitements inhumains ou dégradants (SRT).

• Les Pays-Bas ont appelé l'Irak à mettre fin à la pratique répandue de la disparition forcée.

• La Suisse a déploré les violations systématiques du droit à un procès équitable, déclaration appuyée par la Norvège et le Royaume-Uni, qui ont appelé l'Irak à assurer le respect total du droit à une procédure équitable, tandis que d'autres États, tels que l'Allemagne, ont exprimé de vives préoccupations au sujet des conditions de détention des détenus.

• Malgré l'insistance de la délégation irakienne sur le fait que, « compte tenu des circonstances, l'abolition de la peine de mort [nécessitait] un équilibre entre l'attitude actuelle et la situation [qui prévalait] », pour justifier l'échec des autorités à abolir la peine capitale, la majorité des États – dont l'Espagne, l'Australie, l'Italie, la Namibie, le Paraguay, le Mexique, la Turquie, la Grèce, la France, le Royaume-Uni, le Monténégro, la Slovénie, la Belgique et le Portugal – ont soutenu l'appel d'Alkarama pour un moratoire sur les exécutions en vue de sa complète abolition.

Enfin, d'autres États, parmi lesquels la Norvège, la Suisse et le Brésil, ont rappelé que les droits de l'homme devaient être respectés même en temps de crise, et que la lutte contre le terrorisme ne pouvait être utilisée comme un prétexte pour les violations des droits de l'homme. La Norvège a souligné que la mise en œuvre des droits de l'homme devrait en fait être considérée comme une priorité pour la stabilité et la réconciliation nécessaire à l'Irak, en particulier compte tenu des atrocités commises par l'EI.

L'Irak doit fournir une réponse aux 229 recommandations adressées par les États membres de l'ONU lors de la 28ème session du CDH en mars 2015. En espérant que l'Irak acceptera toutes les recommandations sans exception, Alkarama continuera à suivre avec attention la situation des droits de l'homme en Irak, et en particulier la mise en œuvre des recommandations émises concernant l'interdiction de la torture et des disparitions forcées, le droit à un procès équitable et l'abolition de la peine de mort.

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