Egypte : Violations systématiques dans le complexe pénitentiaire de Badr-Déclaration conjointe

Déclaration commune sur le complexe Badr en Egypte

Les organisations de défense des droits de l'homme cosignataires de la déclaration expriment leur profonde préoccupation face aux graves violations commises par les autorités égyptiennes à l'intérieur du "Centre de réhabilitation et de correction de Badr", également connu sous le nom de "Complexe pénitentiaire de Badr 1, 2, 3". Ces actions constituent une violation flagrante de la constitution égyptienne, des lois, des traités et conventions internationaux, ainsi qu'une violation claire des normes minimales pour le traitement des détenus établies par les Nations Unies.    

 

Ces violations comprennent :    

- La privation des détenus de visites pendant une période pouvant aller jusqu'à sept ans ;    

- La privation des détenus d' "exercice" et d'exposition à la lumière du soleil ;    

- La volonté d'affamer les détenus en leur fournissant de très petites quantités de nourriture, d'empêcher les visites des familles et de fermer la cafétéria de la prison ;    

- L'exposition les détenus à un éclairage puissant 24 heures sur 24, ce qui, selon les experts psychiatriques, peut endommager le système nerveux, provoquer la dépression, puis le suicide ;    

- La violation de la vie privée par le biais de caméras de surveillance (audio et image) à l'intérieur des cellules ;    

- Des fouilles fréquentes accompagnées de coups violents sur les détenus ;    

- La négligence médicale intentionnelle et le déni du droit au traitement ;    

- L'isolement cellulaire prolongé injustifié ;    

- La privation de matériel d'hygiène personnelle ;    

- Le traitement sévère et humiliant qui porte atteinte à la dignité humaine.    

 

Plusieurs organisations cosignataires de cette déclaration affirment que :    

 

Le "complexe pénitentiaire de Badr" est la version la plus sévère et dégradante de la tristement célèbre prison du Scorpion. Ces pratiques systématiques et inhumaines ont conduit certains détenus à mettre fin à leurs jours (les tentatives de suicide se sont multipliées au cours de la semaine écoulée) et d'autres à entamer des grèves de la faim.    

 

Depuis le commencement des détention de prisonniers politiques dans le complexe pénitentiaire de Badr - soit depuis moins d'un an - le nombre de décès dus à une négligence médicale délibérée a atteint 5 cas. Le premier décès a eu lieu le 1er novembre 2022 lorsque le détenu Alaa Mohamed Al-Salami est décédé à l'intérieur de la prison de Badr 3 après 60 jours de grève de la faim, l'administration pénitentiaire n'ayant prêté aucune attention à ses demandes ni à son décès.  

 

Ces violations sont qualifiées de crimes de "torture physique et psychologique" par le droit international des droits de l'homme. La torture est un crime contre l'humanité, imprescriptible. De plus, elle est pratiquée de manière systématique, globale et continue à l'intérieur de la prison.

 

Sur la base de ce qui précède, les organisations signataires de cette déclaration appellent :    

 

Premièrement, le gouvernement égyptien :  

 

- A cesser immédiatement toutes ces violations qualifiées de crimes de torture et de respecter l'état de droit ;    

- A former rapidement un comité indépendant composé d'organisations "égyptiennes et internationales" pour visiter la prison.

 

Deuxièmement, le Procureur général égyptien :  

 

- A appliquer la loi qui lui donne l'entière responsabilité du contrôle des prisons ;    

- A ouvrir une enquête urgente, sérieuse et transparente sur ces violations et de traduire les auteurs en justice  à travers un procès équitable.

 

Troisièmement, le Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme :    

 

- A s'adresser d'urgence aux autorités égyptiennes pour qu'elles mettent fin à ces violations ;    

- A mettre en place une commission d'enquête pour évaluer la gravité de ces violations.

 

Quatrièmement, les comités internationaux :    

 

- Le Comité contre la torture à mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture, signée par l'Égypte ;    

- Le Comité international de la Croix-Rouge à visiter d'urgence le complexe pénitentiaire de Badr et examiner dans quelle mesure les autorités égyptiennes respectent les règles minimales pour le traitement des prisonniers ;    

- Le Comité des droits de l'homme de l'Union européenne à prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à ces violations.

 

Cinquièmement, les organisations internationales et locales de la société civile, en particulier les organisations de défense des droits de l'homme :    

 

Nous appelons les organisations de la société civile internationale et locale, en particulier les organisations de défense des droits de l'homme, à coordonner et à joindre leurs efforts pour mettre fin à l'injustice et à l'oppression de tous les détenus du complexe pénitentiaire de Badr, afin que chaque être humain soit traité d'une manière qui préserve sa dignité, simplement parce qu'il est un être humain.

 

Signataires :    

- Organisation Arabe pour la Réforme Pénale    

- Réseau égyptien pour les droits de l'homme  

- Institut Andalus pour la tolérance et les études anti-violence  

- RREE VOIC  

- Justice for Human Right (JHR)  

- Moniteur arabe de la liberté des médias  

- Coordination égyptienne des droits et libertés  

- El Shehab For Human Rights

- Najda Human Rights  

- Fondation arabe pour le soutien de la société civile et des droits de l'homme  

- Organisation Tawasol pour les droits de l'homme  

- AFD International   - Bruxelles  

- Human Rights Monitor.