Égypte : L’ONU appelle les autorités égyptiennes à prendre des mesures pour mettre un terme aux graves violations des droits de l’homme

Le 5 novembre 2014 s'est tenu au Palais des Nations de Genève le deuxième Examen périodique universel (EPU) de l'Égypte. Ce processus vise à l'examen, par le Conseil des Droits de l'Homme des Nations Unies, de la situation des droits de l'homme dans chaque État membre. Depuis le premier examen de l'Égypte en février 2010, le pays a connu des bouleversements politiques majeurs. Cependant, en dépit des espoirs suscités par la révolution et malgré les déclarations des autorités égyptiennes sur le respect des libertés fondamentales dans le pays, la situation des droits de l'homme en Égypte est aujourd'hui plus préoccupante que jamais.

L'exposé du rapport national soumis par l'Égypte, et l'expression du point de vue de la délégation officielle pendant l'examen, tranchent avec les vives critiques et inquiétudes émises par la société civile, et relayées par Alkarama depuis le coup d'état militaire de juillet 2013.

Au cours de l'examen, les autorités ont notamment mis en avant les progrès réalisés par la nouvelle Constitution décrétée en février 2014, mais n'ont pas expliqué l'absence de mesures législatives pour son effective mise en œuvre. Sur la question de la torture, une pratique redevenue systématique dans le pays, le représentant officiel s'est contenté d'invoquer « un phénomène exceptionnel » alors qu'Alkarama ne cesse de documenter de très nombreux cas d'abus commis par les forces de sécurité. Quant à la répression de la liberté d'expression, qui s'est généralisée et touche aujourd'hui tous les opposants toutes tendances politiques confondues, les autorités persistent à affirmer que personne n'a été emprisonné en Égypte pour avoir exprimé ses opinions. Il faut souligner que plusieurs ONGs égyptiennes ont choisi de ne pas se rendre à l'examen en protestation contre les restrictions imposées sur leurs activités.

Les autorités ont récemment adopté de nouvelles lois particulièrement contestées par les défenseurs des droits de l'homme en raison de leur caractère liberticide, cette nouvelle législation remettant en cause tous les acquis de la révolution et notamment les libertés d'association, d'expression, de réunion pacifique ainsi que la liberté de la presse. Le prétexte invoqué par les autorités égyptiennes pour justifier ces mesures est la lutte contre le terrorisme, qui agite l'Égypte depuis un an et a notamment entrainé le déplacement forcé de milliers de personnes dans la péninsule du Sinaï.

L'EPU de l'Égypte aurait pu constituer une réelle occasion, pour la communauté internationale, de mettre l'un de ses membres devant ses responsabilités et lui rappeler les valeurs essentielles à respecter afin de construire une véritable démocratie. Il est important de noter que le projet de rapport de l'EPU de l'Égypte adopté le 7 novembre ne reflète pas l'intégralité des commentaires faits par les États membres de l'ONU envers les autorités égyptiennes et omet des éléments importants des déclarations étatiques. Nous appelons en ce sens les États participants à utiliser leur droit de modification afin que le rapport final fasse état de leurs observations sur la situation interne égyptienne.

Les nombreuses recommandations présentées par les États appelant à des changements législatifs, institutionnels et concrets sur la situation des droits de l'homme, ont fait écho aux préoccupations de la société civile, dernier rempart des libertés fondamentales dans un pays en proie à une répression sans précédent. Il est temps que l'Égypte prenne des mesures immédiates sur la base des 300 recommandations qui lui ont été adressées par ses pairs, notamment en décrétant un moratoire sur la peine de mort en vue de son abolition, en modifiant sa législation sur la torture, en ratifiant les instruments des droits de l'homme auxquels le pays n'est pas encore partie, en réformant son système judiciaire pour garantir son indépendance, en cessant de traduire des civils devant des tribunaux militaires et en mettant un fin aux restrictions légales portées à la liberté d'expression, de la presse, d'association et de réunion pacifique.

Les défenseurs des droits de l'homme et la Communauté internationale attendent des mesures concrètes – notamment la libération de tous les détenus politiques, défenseurs des droits de l'homme et journalistes – et demandent qu'un véritable dialogue soit ouvert avec l'opposition représentative avant les prochaines élections législatives qui doivent se tenir impérativement dans un climat de transparence, de liberté et de véritable démocratie pour permettre au pays d'espérer retrouver une place honorable dans le concert des nations.

La première des mesures qu'Alkarama presse les autorités de prendre est d'annuler la date limite fixée au 10 novembre pour l'enregistrement des associations auprès du Ministère de la Solidarité, qui risque de mettre au ban de très nombreuses organisations de la société civile, qui représentent un chainon essentiel de la protection des libertés fondamentales. Nous regrettons qu'une telle mesure n'ai pas déjà été prise à ce stade, et que de nombreuses organisations aient été contraintes de fermer leurs bureaux, craignant de se soumettre à cette obligation.

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