Arabie Saoudite : Quand tweeter pour la paix et la tolérance devient un crime

.

Le 24 novembre 2014, Alkarama a adressé un appel urgent au Rapporteur spécial des Nations Unies sur la promotion et la protection du droit à la liberté d'opinion et d'expression, M David Kaye, ainsi qu' au Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, M Michel Forst , sur le cas de Mikhlif Al Shammari, un éminent défenseur des droits de l'homme saoudien, qui a été condamné à deux ans de prison et à 200 coups de fouet par un tribunal pour un tweet appelant à la paix entre les communautés chiites et sunnites.

Ce n'est pas la première fois que M. Al Shammari, un important défenseur des droits de l'homme et écrivain en Arabie Saoudite, fait l'expérience de la détention arbitraire et de la torture en raison de ses actions de mobilisation en faveur des droits de l'homme et de la paix entre les deux communautés. Étant donné les constants harcèlements subis par M. Al Shammari de la part des autorités saoudiennes, Alkarama avait déjà présenté de nombreuses plaintes auprès différentes procédures spéciales onusiennes sur les droits de l'homme.

La première plainte avait été déposée par Alkarama lors de son arrestation le 4 février 2007, lorsqu'il avait été détenu pendant trois mois par la police secrète, sans avoir été inculpé mais seulement pour avoir participé à une réunion avec un religieux chiite. Il a été arrêté à nouveau le 15 mai 2010, avant d'être libéré sous des garanties de caution personnelle. Lors de sa détention, il a été interrogé sur des articles qu'il avait écrit dans lesquelles il critiquait la discrimination anti-chiite. Après quoi, il a été accusé par la police d' « attirer l'attention du public contre la corruption ». Arrêté de nouveau le 15 juin 2010 à Jubail sans mandat d'arrêt, il accusé sans justification de « troubler l'opinion publique ». En juillet 2011, M. Al Shammari a été soumis à de graves tortures, à des menaces de mort et à une tentative de meurtre pour le punir de ses plaintes concernant les conditions de détention. Dans le but de faire pression sur les autorités saoudiennes pour qu'elles ordonnent sa libération, Alkarama avait adressé une communication sur son cas au Groupe de travail sur la détention arbitraire (GTDA) le 28 juillet 2010, lui demandant d'intervenir en son nom.

La poursuite de son militantisme pour les droits de l'homme, au début de novembre 2013, a conduit M. Al Shammari a publié un tweet sur son compte officiel disant ce qui suit (traduction complète de l'arabe):

« J'ai foi dans la tolérance entre les différentes parties de la communauté [chiite et sunnite], c'est pourquoi je vais prier [pour la réconciliation entre chiites / sunnites] derrière l'Imam, vendredi prochain, à la mosquée Al Hamza [...] ».

Suite à ce tweet, M. Al Shammari a été soumis à une procédure pénale et a été condamné par la Cour pénale d'Al Khobar, le 6 novembre 2014, à deux ans d'emprisonnement et 200 coups de fouet portant sur les accusations de « propagande ».

Malgré les nombreuses menaces reçues des autorités, M. Al Shammari continue à se mobiliser courageusement pour promouvoir la paix et la compréhension entre les communautés chiite et sunnite. « Si nous voulons vaincre le terrorisme, nous devons travailler pour la paix et l'unité entre les communautés sunnite et chiite. Je vais travailler pour cela et en payerai le prix », a déclaré M. Al Shammari à Alkarama.

Alkarama estime que la sentence à laquelle M. Al Shammari a été condamné pur avoir simplement exprimé avec à un tweet un message de paix et d'harmonie entre les communautés, est une flagrante violation du droit à la liberté d'opinion, d'expression et de l'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme (DUDH). Compte tenu des peines passées et harcèlements subis par M. Al Shammari pour son activisme dans le domaine des droits de l'homme, Alkarama considère que sa peine actuelle n'est rien d'autre que le résultat des représailles pour son engagement en tant que défenseur des droits de l'homme. Une fois que la décision judiciaire devient définitive, il est évident que sa détention sera considérée comme arbitraire, car il motivée par l'exercice de son droit d'expression et son activisme pour les droits de l'homme.

Par conséquent, Alkarama a demandé aux procédures spéciales des Nations Unies d'examiner d'urgence la situation actuelle de M. Al Shammari et de saisir les autorités saoudiennes pour mettre fin à toute forme de harcèlement contre les défenseurs des droits de l'homme. Alkarama considère que la peine de M. Al Shammari ne représente pas seulement une violation de son droit à la liberté d'expression, mais aussi qu'elle est utilisée pour le punir et pour le dissuader de défendre les droits humains. Il y a aussi lieu de rappeler aux autorités saoudiennes leurs obligations en vertu du droit international et de révoquer toutes accusations contre M. Al Shammari.

Pour plus d'informations ou une interview, veuillez contacter l'équipe média à media@alkarama.org (Dir: +41 22 734 1007 Ext: 810)