Arabie Saoudite : Le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture saisi des cas des deux Ouïghours, MM. Waili AIMOUDOULA et Ruze NUERMAIMAITI menacés d’extradition vers la Chine

محتشد للويغور

Le 13 janvier 2022, Alkarama s’est adressé au Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture pour lui demander d’intervenir en urgence auprès des autorités saoudiennes pour leur enjoindre à ne pas extrader vers la Chine, MM. Waili AIMOUDOULA et Ruze NUERMAIMAITI, OuÏghours de confession musulmane, arrêtés à la Mecque par la police saoudienne le 20 novembre 2020.

1. Les faits

M. Waili AIMIDOULA et M. Ruze NUERMAIMAITI se sont rendus en Arabie Saoudite le 2 février 2020 pour accomplir la « Umrah » (pèlerinage islamique à la Mecque) mais n'ont pas pu retourner à Istanbul où ils vivent avec leurs familles en raison de l'épidémie de COVID-19. Le 20 novembre 2020, des policiers saoudiens ont fait irruption dans la maison qu'ils occupaient à La Mecque et les ont arrêtés sans fournir de détails sur les raisons de leurs arrestations.

A ce jour, les deux victimes, qui sont détenues au secret dans la prison centrale de Dhahban située à Jeddah (ouest, Mekkah), ignorent toujours les charges qui pèsent contre elles.

Le 3 janvier 2022, les autorités saoudiennes les ont finalement informées qu’ils seront extradés vers la Chine sans leur donner d’explications. Informé par un membre de la communauté Ouïghour en Arabie Saoudite, les proches de M. Aimidoula ont fait appel à un avocat à Istanbul qui a tenté, en vain, de s’enquérir des raisons de son arrestation et de l'existence éventuelle de procédures judiciaires en cours, y compris d’extradition auprès de l’ambassade saoudienne à Ankara.

A l’heure actuelle, les deux victimes sont totalement coupées du monde extérieur, n’ont pas d’avocats et ne sont pas autorisées à communiquer avec leurs familles.

Alkarama a donc appelé le Rapporteur spécial de l’ONU sur la torture à intervenir d’urgence auprès des autorités saoudiennes pour les exhorter à respecter les termes de la convention contre la torture et de s’abstenir à extrader les deux victimes.

2. Alkarama appelle le Rapporteur spécial à intervenir en urgence

Dans son appel urgent, Alkarama a indiqué qu’une éventuelle extradition ou renvoi forcé de MM. Aimidoula et Nuermaimaiti vers la Chine constituerait une violation par l’Arabie Saoudite de son obligation de ne pas expulser des personnes sous sa juridiction vers un lieu où elles risqueraient d'être soumises à la torture et à des mauvais traitements, comme le prévoit l'article 3 de la Convention contre la torture, auquel elle est partie.

En effet, selon la Convention, "aucun État n'a le droit d'expulser, de refouler ou d'éloigner de quelque autre manière un individu de son territoire lorsqu'il y a des "motifs sérieux" de croire que cette personne risque d'être soumise à la torture" dans l'État de destination, y compris l'existence d'un ensemble de violations systématiques des droits de l'homme, graves, flagrantes ou massives.

Alkarama a également attiré l’attention sur les pratiques systématiques et généralisées de la torture et des mauvais traitements en Chine, en particulier sous le prétexte du terrorisme, rappelant les préoccupations formulées par le Comité contre la torture lors de son dernier examen. Le Comité avait affirmé "avoir reçu de nombreux rapports de sources crédibles qui documentent en détail des cas de torture, de décès en détention, de détention arbitraire et de disparitions (...)", ajoutant que "(...) des allégations ont été reçues concernant des actes dirigés contre les Ouïghours (...)" en Chine.

Le Comité avait également appelé les autorités chinoises à réformer la législation antiterroriste afin d’assurer sa pleine conformité avec la Convention.

Enfin, Alkarama a invoqué les conditions de détention désastreuses en Chine pour réaffirmer que les droits de MM. Aimidoula et Nuermaimaiti à la vie, à la santé et à ne pas être soumis à des actes de torture et à d'autres formes de mauvais traitements seraient gravement violés s’ils venaient à être extradés.

Par ces motifs, le Rapporteur spécial sur la torture a donc été appelé intervenir de toute urgence auprès des autorités saoudiennes pour s’assurer qu’elles respectent l'article 3 de la Convention contre la torture et qu’elles s'abstiennent ainsi à extrader, expulser ou renvoyer de force vers la Chine MM. Waili Aimidoula et Ruze Nuermaimaiti.

Pour rappel, l’Arabie Saoudite sera prochainement examiné par le Comité conte la torture chargé de surveiller l’application de la Convention contre la torture par les États parties. Dans le cadre de cet examen, Alkarama fournira un second rapport relatif à la situation des droits de l’homme en Arabie Saoudite.