Arabie Saoudite : Alkarama a soumis sa liste des points et questions concernant le 3ème examen périodique par le Comité contre la torture

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Le 21 juin 2021, Alkarama a soumis au Comité des Nations Unies contre la torture la liste des points et questions à soulever dans le cadre du 3ème examen périodique de l'Arabie Saoudite.
Organe conventionnel composé de dix experts indépendants, le Comité contre la torture est chargé de surveiller l’application de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants adoptée le 10 décembre 1984 et ratifiée par l’Arabie Saoudite le 12 septembre 1989.
Conformément à l’article 19 de la Convention, le Comité réalise tous les quatre ans des examens périodiques afin de vérifier le respect de leurs obligations par les États parties.
Alkarama a apporté sa contribution dans le cadre de cette procédure et soumis son rapport en vue de l’examen prévu vers la fin de l’année 2021. Elle soumettra un second rapport à la suite des réponses apportées par l’Etat parie.

1. La situation reste particulièrement préoccupante en Arabie Saoudite
La situation des droits humains en Arabie Saoudite, qui était déjà source de grande inquiétude depuis son dernier examen en 2016, s’est davantage détériorée depuis l’intronisation de Mohammed Ben Salmane comme prince héritier. Sous son régime autoritaire, la répression s’est intensifiée au mépris du droit international et des centaines de défenseurs des droits de l’homme  ont été arbitrairement privés de liberté et soumis à diverses formes de torture et de mauvais traitements. Alkarama craint que la situation ne continue encore plus à se dégrader en dépit des réformes de façade apportées par les autorités en faveur des droits de l’homme.

2. Dérogation à l’interdiction de la torture : la loi antiterroriste contraire à la Convention
Bien que la torture soit criminalisée dans le droit interne saoudien, son interdiction n’est pas absolue. Les dérogations, en cas de circonstances exceptionnelles notamment, limite considérablement l'efficacité de la Convention contre la torture.
Certaines lois dont la loi relative à la lutte contre le terrorisme n’ont pas fait l’objet de révision malgré ses dispositions contraires à la Convention. Lors du deuxième examen périodique, le Comité avait déjà exprimé sa préoccupation au sujet de cette loi parce qu'elle contenait « une définition extrêmement large du terrorisme qui permet l'incrimination de l'expression pacifique d'opinions considérées comme mettant en danger l'unité nationale ou de saper la réputation ou le statut de l'État ».
Malgré la recommandation aucune modification n’a été apportée à la législation saoudienne. En vertu de cette loi, le pouvoir judiciaire se voit attribuer un pouvoir discrétionnaire lui permettant d'infliger une peine de prison pour terrorisme à quiconque critique le roi, le prince héritier ou la monarchie.

3. Manquement des autorités et institutions de « façades »
D’autre part, les autorités saoudiennes manquent constamment à leur devoir de prévenir les actes de torture et contribuent ainsi au climat général d’impunité qui règne dans le pays.
Les institutions chargées d’examiner les allégations de tortures et de mauvais traitements et de mener des enquêtes pour sanctionner les auteurs de ces actes (Bureau des enquêtes et des poursuites) ou encore les juridictions chargées du traitement des plaintes des individus cherchant à obtenir réparation pour les dommages résultant des actions illégales des agents de l'État (« Diwan Al Mazalem ») sont directement placés sous l'autorité du roi. L’absence d’indépendance structurelle de ces institutions les rend de facto totalement partiales et inopérantes.

4. Omniprésence de la torture et répression de la liberté d’expression
La torture reste omniprésente dans l’ensemble du pays et principalement dans les prisons d’Al Mabahith. La grande majorité des individus arrêtés, souvent sous l’ordre du prince héritier, sont condamnés à de lourdes peines d’emprisonnement sur la simple base d’aveux extorqués sous la torture, aveux considérés comme des preuves par le système juridique du pays.
La répression a pris une telle ampleur qu’elle s’exerce aujourd’hui contre toutes les formes d’expression. Toute critique de la monarchie, aussi pacifique soit elle, est sanctionnée par des arrestations et détentions arbitraires.
Le Dr. Salman Alodah, Mohamed Al Qahtani, Khaled Al Rashed et Safar bin Abdulrahman Al Hawali ne  sont que quelques-unes de ces nombreuses éminentes personnalités arrêtées et condamnées à de lourdes peines pour avoir pacifiquement exprimé leurs opinions et usé de leur droit à la liberté d’expression.
Dans son rapport, Alkarama a donc souligné les nombreux manquements de l’État partie dans la mise en œuvre des recommandations formulées par le Comité lors du second examen. Elle a invité les experts onusiens à enjoindre à l’Etat partie de mettre en œuvre, sans délai, les recommandations ainsi que les nombreux avis rendus par les différents mécanismes onusiens et à apporter les modifications législatives indispensables pour le respect des obligations conventionnelles.