Algérie : Une militante des droits de l'homme et femme de disparu interpellée à l'aéroport d'Alger

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Farida Ouaghlissi, 49 ans, militante des droits de l'homme et femme de disparu, a été interpellée le 3 décembre à l'aéroport d'Alger alors qu'elle s'apprêtait à prendre un vol en direction de Genève où elle devait participer à la Cérémonie de remise du Prix Alkarama 2012. Préoccupée par les mesures de représailles dont usent les autorités algériennes pour intimider les défenseurs des droits de l'homme, Alkarama a soumis son cas à la Rapporteuse spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme de l'ONU.

Depuis de nombreuses années, Farida Ouaghlissi, membre du Comité directeur de la Ligue algérienne des droits de l'homme et de l'Association des familles de disparus forcés de Constantine, documente des cas de disparition forcées, de tortures et d'exécutions extrajudiciaires qui se sont produits durant la décennie noire et que notre Fondation a soumis aux procédures spéciales et au Comité des droits de l'homme de l'ONU . Le 1er juillet 2009, elle avait notamment soumis une plainte au Comité des droits de l'homme par l'intermédiaire de notre Fondation concernant la disparition forcée de son époux Maamar Ouaghlissi suite à son arrestation par les services de sécurité à Constantine le 27 septembre 1994. En mai 2012, l'Etat algérien a été condamné par le Comité des droits de l'homme dans cette affaire où de graves violations ont été établies.

A l'occasion de sa dernière visite à Genève en décembre 2011, Farida Ouaghlissi avait pu rencontrer diverses procédures spéciales des Nations Unies pour les informer sur le dossier des disparitions forcées et sur les mesures de représailles des autorités algériennes dirigées contre les militants des droits de l'homme et les organisations de la société civile algériens.

Au moment de son interpellation, Farida Ouaghlissi était en possession de dossiers relatifs à des plaintes documentées de familles de disparus à l'attention du comité des droits de l'homme et de clefs USB contenant des informations sur les violations des droits de l'homme dans le pays à l'attention de notre organisation. Après avoir accompli toutes les formalités douanières et les formalités de police celle-ci s'est rendue dans la salle d'embarquement où des membres des services de sécurité sont venus l'interpeller juste avant l'embarquement pour lui demander de les suivre.

Elle a été emmenée dans des locaux où elle était attendue par des policiers dont certains en civil, et a été soumise à une fouille particulièrement humiliante qui a volontairement été retardée au maximum pour l'empêcher de prendre son vol. Ses documents lui ont été confisqués ainsi que les clefs USB et plusieurs CD et DVD en sa possession et elle n'a pu quitter Alger que le lendemain ; les services de sécurité algériens ont refusé de lui restituer les effets et documents confisqués au prétexte qu'elle ne pouvait les réclamer qu'après son retour de voyage.
Il ne fait pas de doute que ces pratiques constituent des mesures de représailles et visent clairement à intimider une militante des droits de l'homme particulièrement active dans la défense des familles victimes de disparitions forcées ainsi qu'à museler toute voix dénonçant les graves violations des droits de l'homme dans le pays.

Ces mesures de représailles visent également à dissuader les autres victimes de violations graves de leurs droits fondamentaux de recourir aux mécanismes de protections des droits de l'homme institués par les Nations unies et nous craignions en particulier que le traitement dont Farida Ouaghlissi a été victime est en lien direct avec la décision rendue par le Comité des droits de l'homme.

Pour plus d'informations ou une interview, veuillez contacter media@alkarama.org (Dir: +41 22 734 10 08).