Algérie : Le Comité des droits de l’homme de l’ONU saisi du cas d’Abderrahmane Labreche

labreche

Le 26 mai 2021, Alkarama a soumis le cas de M. Abderrahmane Labreche, au Comité des droits de l’homme (Comité DH) de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Ce citoyen anglo-algérien de 57 ans a été victime d’arrestation arbitraire le 29 juin 2012 par des agents du département de la recherche et de la sécurité (DRS) à l’Aéroport international d’Alger ; après quoi il fut détenu secrètement et soumis à des actes de tortures et autres mauvais traitements jusqu’à sa libération 14 juillet 2012.

Son cas démontre la persistance et la résurgence inquiétante de pratiques graves telles que la disparition forcée et la torture par les forces du DRS à l’encontre des personnes considérées comme critique envers les dirigeants algériens.

Une arrestation brutale suivie d’une disparition forcée inquiétante

Enseignant-chercheur au sein d’une université britannique, M. Labreche a été arrêté à l’Aéroport international d’Alger le 29 juin 2012 alors qu’il s’apprêtait à prendre un vol Air Algérie à destination du Royaume-Uni où il vit avec sa famille.

A l’issue de son enregistrement, il a été interpellé par la police des frontières et conduit sans explications dans une salle de détention de l’aéroport. Quelques heures plus tard, deux agents du DRS en tenue civile l’ont emmené vers la sortie de l’aéroport et l’ont forcé à monter dans l’un de leurs véhicules. Lorsqu’il a tenté de protester et de chercher à connaitre les raisons de son arrestation il a reçu des coups particulièrement violents sur la tête, le visage ainsi que d’autres parties du corps à la suite de quoi il a perdu connaissance.

Le 2 juillet 2012, M. Labreche a repris conscience dans une salle de réanimation de l’hôpital militaire d’Aïn-Naadja (Wilaya d’Alger). D’après le prétexte avancé par les agents chargés de sa surveillance, il aurait été hospitalisé des suites d’un accident de la circulation qui serait survenu au cours de son transfèrement au centre de détention du DRS à Hydra (Alger) communément connu sous le nom du centre « Antar ».

Violences et mauvais traitement tout au long de la détention

M. Labreche a compris qu’il était resté dans le coma pendant 48 heures après s’être évanoui à la suite des violences qu’il avait subi lors de son arrestation.

Durant toute son hospitalisation, il a été placé 24 heures sur 24 sous la surveillance de trois agents du DRS et a été privé de contact avec le monde extérieur. Il a souffert d’importantes lésions crâniennes et faciales, d’une fracture à son bras droit et aux vertèbres cervicales, d’une mâchoire disloquée et de plusieurs dents cassées. Sur ordre des agents chargés de sa surveillance, certaines de ses plaies ont été suturées après son réveil sans anesthésie.

Le 11 juillet 2012, il a été secrètement transféré au centre Antar où il a été placé en détention secrète dans une cellule isolée jusqu’au 14 juillet 2012.

Durant ces trois jours d’isolement total, il a été soumis à plusieurs interrogatoires violents. Face aux menaces de mort proférées par les agents des services de renseignement, il a été contraint de signer des documents dont il ignorait les contenus.

Le soir du 14 juillet 2012, il a été libéré et reconduit près du domicile de son frère, à Cheraga à l’ouest d’Alger et a été sommé de ne pas quitter le domicile fraternel et de garder le silence au sujet de sa détention au secret sous peine de mort.

Des démarches vaines de la famille et la victime pour obtenir justice en Algérie

Après l’arrestation arbitraire de M. Labreche, l’avocat constitué par sa famille s’était adressé au président Bouteflika, sans jamais obtenir de réponse. Son frère, M. Hocine Labreche, avait tenté pour sa part de contacter un responsable du département de la Sécurité Extérieure relevant du DRS pour requérir l’ouverture d’une enquête mais toujours en vain, Enfin, son épouse avait sollicité l’assistance consulaire des autorités britanniques mais n’a pu obtenir aucune aide au motif que celles-ci ne pouvaient pas intervenir en raison de sa double nationalité.

Les différentes instances saisies n’ont jamais donné de suite à ces recours et aucune réponse n’a été obtenue.

Après sa libération, M. Labreche a, quant à lui, introduit un recours auprès du Conseil d’État algérien afin d’obtenir la réparation des préjudices subis. Toutefois, il a été débouté de ses demandes et aucune enquêté n’a été initiée concernant ses déclarations de torture.

M. Labreche a donc mandaté Alkarama afin de soumettre son cas au Comité des droits de l'homme de l’ONU.

Alkarama soumet une plainte individuelle au Comité des droits de l’homme

Pendant toute la durée de sa détention, M. Labreche a subi des mauvais traitements et a été torturé tant physiquement que moralement par les agents du DRS. Son droit à l’habeas corpus n’a pas été respecté. Pendant toute la durée de sa détention et après sa libération, il a été harcelé par ce même service qui l’a menacé de mort et de représailles contre lui et sa famille.

Dans le cadre de la procédure de plainte, Alkarama a ainsi invoqué la violation par l’État partie des articles 6 § 1, 7, 9, 10, 12 § 2, 12, § 3, 14, 16 du Pacte ratifié par l’Algérie.

La victime exige des autorités algériennes qu’elles mènent une enquête approfondie sur les circonstances de son arrestation et des tortures subies au cours de sa détention, qu’elles engagent des poursuites pénales et sanctionnent les responsables des violations de ses droits ainsi que de ses souffrances et, enfin, la réparation des préjudicies subies par lui-même et sa famille.

La plainte relative au cas de M. Labreche a été soumise au Comité des droits de l’homme, tel que prévu par le Protocole facultatif au Pacte international sur les droits civils et politiques auquel l’Algérie est également partie, permettant à tout individu sous sa juridiction de saisir le Comité après avoir épuisé toutes les voies de recours internes.