Algérie : « Comme un feu qui ne s’éteint pas » - Le déni du droit à la vérité et à la justice des familles de disparus

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Genève, le 30 août 2016

A l’occasion de la journée internationale des victimes de disparition forcée, Alkarama dénonce dans son dernier rapport public* le déni du droit à la vérité et à la justice des familles de disparus et appelle les autorités algériennes à engager un véritable processus de réconciliation nationale. En effet, 20 ans après la disparition de milliers de victimes arrêtées pendant la guerre civile et 10 ans après l’adoption de la « Charte pour la paix et la réconciliation nationale », leurs familles ignorent encore tout de leur sort, et les autorités persistent à nier toute responsabilité dans ces crimes.

A la suite du coup d’état militaire de janvier 1992 qui a suivi les premières élections pluralistes du pays, une vaste campagne de répression a été mise en œuvre pour mettre un terme aux protestations des militants du Front Islamique du Salut (FIS), qui avait remporté les élections, puis pour « éradiquer » l’insurrection armée. Cette répression prendra la forme, entre autres, d’un recours massif aux disparitions forcées qui fera entre 7 000 victimes reconnues par les autorités à 20 000 selon les ONGs. Arrêtées ou enlevées par l’armée, les services de renseignement (DRS), la police ou les milices paramilitaires, ces victimes ne sont jamais réapparues.

Les conséquences sur les familles de victimes de disparitions forcées restent présentes et profondes. Longtemps stigmatisées comme « familles de terroristes » et constamment soumises aux menaces et aux représailles, elles continuent à se heurter au déni constant de l’Etat algérien et à la négation de leur droit à connaitre la vérité. En 2006, cette négation a été inscrite dans une « Charte pour la paix et la réconciliation nationale » qui rend non seulement irrecevable toute revendication légitime des familles de leurs droits, mais les rend passibles d’emprisonnement s’ils dénoncent les auteurs de violations commises pendant la guerre civile.

« La disparition forcée n’est pas seulement une violation des droits de l’homme ou un ‘crime contre l’humanité’ au sens du droit pénal international, c’est aussi et surtout une technique de répression utilisée par des régimes autoritaires pour contrôler la société par la terreur », affirme Rachid Mesli, Directeur juridique de la Fondation Alkarama. « Elle est incontestablement, pour l’Algérie des années 90, une stratégie délibérée de terreur mise en œuvre par les ‘décideurs’ militaires et civils de l’époque pour réprimer une population qui ‘avait mal voté’ ».

Aujourd’hui encore, les autorités persistent à refuser de faire la lumière sur le sort des « disparus » malgré les décisions et recommandations des Nations Unies leur enjoignant de dire la vérité aux familles, d’enquêter sur ce crime de masse et d’en poursuivre les auteurs.

Une telle approche dans le traitement des disparitions commises pendant la guerre civile ne permet pas la mise en œuvre d’un véritable processus de réconciliation nationale permettant l’instauration d’un apaisement durable de la société algérienne et de s’assurer que de tels crimes ne se reproduisent plus jamais dans le futur. L’Etat algérien doit aujourd’hui établir la responsabilité des auteurs des crimes graves et faire droit aux attentes légitimes des familles des victimes : c’est non seulement une obligation juridique, mais également un devoir politique, éthique et social à l’égard de la société algérienne toute entière.

*Le rapport est disponible en français et en arabe.

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Basée à Genève, la Fondation Alkarama est une organisation non gouvernementale de défense des droits de l’homme créée en 2004 pour soutenir tous les individus, dans le monde arabe, soumis ou à risque d’exécution extrajudiciaire, de disparition forcée, de torture et de détention arbitraire. Agissant comme un pont entre les victimes dans le monde arabe et les mécanismes des Nations Unies compétents en matière de droits de l’homme, Alkarama œuvre pour un monde arabe où tous les individus vivent libres, dans la dignité, et protégés par un état de droit. En arabe, Alkarama signifie ‘dignité’.

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