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A l’occasion d’un transfert le 9 octobre 2010 vers la prison centrale de Kenitra, plus d’une centaine de détenus ont été victimes de tortures. Parmi eux figure Youssef Al-Khammal, victime – comme d'autres – de représailles en raison de leurs protestations contre leur condamnation à la suite de procès inéquitables pour des motifs politiques et contre les conditions de leur détention.

Alkarama s'est adressée le 26 novembre 2010 au Rapporteur spécial sur la torture lui demandant d'intervenir auprès des autorités marocaines afin qu'une enquête soit diligentée sur la situation des détenus dans les prisons du Maroc et en particulier ceux qui ont été transférés le 9 octobre à la prison de Kenitra, que les auteurs de ces actes soient identifiés, traduits en justice et condamnés le cas échéant.

Alkarama a reçu les témoignages de plusieurs prisonniers qui rapportent tous avoir fait l’objet de traitements en violation de leurs droits les plus fondamentaux de détenus et d’êtres humains. Le cas de M. Youssef AL-KHAMMAL est révélateur de ces pratiques qui tendent à se généraliser en toute impunité.

M. Youssef AL-KHAMMAL, âgé de 35 ans, est agriculteur et réside habituellement à Tanger. Il a été condamné à une peine de 12 ans d’emprisonnement par la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Rabat le 18 septembre 2003.

Jusqu’au 09 octobre 2010, il purgeait sa peine à la prison de Tanger. A cette date, il a fait l’objet, à l’instar de plus de 100 détenus de six prisons différentes (Tanger, Fès, Meknès, Souk Larbaa, Beni Slimane et Oukacha) d’un transfert vers la prison de Kenitra, transfert au cours duquel tous les prisonniers ont, selon un même modus operandi, subi des traitements particulièrement cruels, inhumains et dégradants.

A l’aube, des agents pénitentiaires sont entrés dans la cellule de M. Youssef AL-KHAMMAL pour lui bander les yeux, le menotter et le traîner brutalement sans lui permettre de se vêtir ou de prendre le moindre de ses effets personnels.

Embarqué dans un fourgon cellulaire il a été, une fois arrivé à destination, brutalement sorti du véhicule et projeté sur le sol sous une volée de coups assenés par les gardiens sur l’ensemble de son corps.

Tous les détenus qui ont été transféré à la prison de Kenitra ont été accueillis par des gardiens surexcités qui les ont insultés, menacés de mort, battus, et complètement déshabillés. Ceux parmi les détenus qui ont exprimé la moindre protestation ont subi un traitement plus dur, ils ont été suspendus pendant de longues heures par les poignets sous les coups des gardiens.

L’épouse de M. Youssef AL-KHAMMAL a pris connaissance du transfert le 11 octobre 2010 et a été autorisée à lui rendre visite très brièvement le 15 octobre 2010. Elle a trouvé son époux en état de choc, le corps couvert de blessures et de contusions, et notamment au niveau des mains et des pieds qui portaient des blessures visibles.

La victime a rapporté qu’il avait d’abord été enfermé dans un cachot, mains et pieds liés, puis suspendu par les pieds durant quasiment toute la journée du samedi 09 octobre dans l’enceinte de la cour. Enfin, alors qu’il pensait que son supplice allait prendre fin, ses tortionnaires ont uriné sur lui avant de l’emmener dans sa cellule.

Les principes fondamentaux régissant les modalités de détention et de transfert de détenus ne sont pas respectés ; les conditions même dans lesquelles se sont déroulées les différents transferts du 09 octobre 2010 traduisent une volonté claire des autorités non seulement de porter atteinte à leur intégrité physique mais aussi d’affecter profondément leur état psychique.

Les autorités et notamment l’administration pénitentiaire cherchent par ailleurs à travers ce type d’opérations à punir plus durement encore des détenus qui, à l’instar de M. Youssef Al-KHAMMAL, ou encore de M. Abou Elkassim BRITEL ont, à un moment donné entamé des grèves de la faim pour protester contre leurs condamnations à la suite de procès inéquitables pour des motifs politiques et contre les conditions de leurs détention.

D’autres détenus grévistes de la faim ont également été très durement réprimés et ont subi le même traitement que M. Youssef Al-KHAMMAL durant ce transfert de la prison de Tanger vers celle de Kenitra et desquels nous avons reçu également des témoignages édifiants ; il s’agit des Messieurs :

- M. Mohamed Said DGHIRI
- M.  Mustafa EL-MIMOUNI
- M. Salaheddine BENYAÏCHE
- M. Ahmed ZEMMOURI
- M. Abdesalam EL-DACHRAOUI

Cette affaire confirme une nouvelle fois la nette dégradation de la situation en matière de respect des droits de l’homme au Maroc et une escalade dans la répression des détenus condamnés dans des affaires dites de terrorisme.