Liberté d'expression, torture, esclavage : la Mauritanie maintient son refus des standards internationaux

Liberté d'expression, torture, esclavage : la Mauritanie maintient son refus des standards internationaux

Le 16 mars dernier, l’examen périodique universel (EPU)* de la Mauritanie a pris fin, avec l'adoption du rapport énonçant les recommandations que le pays accepte de mettre en œuvre pour améliorer la situation des droits humains sur son territoire. Parmi les 200 recommandations formulées par les États membres des Nations Unies participant à cet examen, la Mauritanie a indiqué en avoir accepté 140 et « pris note » des 60 autres. La société civile et les ONG des droits de l’homme – y compris Alkarama – ont contribué à cet examen en soumettant leurs informations et recommandations sur les droits de l'homme en Mauritanie.

De nombreuses recommandations écartées, notamment sur l’esclavage et la peine de mort

Alkarama demeure particulièrement préoccupée par le refus d’accepter les recommandations appelant à ne pas arrêter et détenir arbitrairement les défenseurs des droits de l’homme et celles demandant aux autorités de garantir le droit à la liberté d’expression des journalistes. Ce refus semble démontrer un manque de volonté politique de mettre fin aux représailles contre les activistes.

Par ailleurs, alors que l’Australie avait appelé à ce que le Code pénal intègre une définition de la torture conforme aux standards internationaux, les autorités ont affirmé que ceci avait déjà été mis en œuvre depuis l’adoption de la loi « anti torture » en août 2015, sans toutefois préciser les termes utilisés par cette loi, qui n’a pas été rendue publique. La Mauritanie n’a pas apporté de précision non plus sur son intention de reconnaitre la compétence du Comité contre la Torture à recevoir des plaintes individuelles malgré les nombreuses recommandations faites en ce sens. En outre, la Mauritanie n’a pas non plus donné suite aux recommandations l’exhortant à ratifier le deuxième protocole facultatif (OP2 PIDCP) se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) visant à abolir la peine de mort.

Concernant l’appel de nombreux États à renforcer la lutte contre la pratique de l’esclavage, la Mauritanie a affirmé que « l’esclavage n’existait plus » et que de ce fait lesdites recommandations n’étaient « pas pertinentes ». En Mauritanie, 4% de la population se trouve encore soumise à l’esclavage en 2014 selon le Global Slavery Index (GSI). L'ancien Rapporteur spécial de l'ONU sur les formes contemporaines d'esclavage, Mme Gulnara Shahinian, avait pour sa part déclaré en 2014 que « l'esclavage de facto en Mauritanie continue d'être, un processus invisible lent qui se traduit par la "mort sociale" de plusieurs milliers de femmes et d'hommes ».

Sur la mise en œuvre des traités en matière de droits de l’homme

Durant l’examen de la Mauritanie, de nombreux pays avaient salué la ratification de traités internationaux relatifs aux droits de l'homme tels que le Protocole facultatif (OPCAT) se rapportant à la Convention de l'ONU contre la torture (UNCAT) ainsi que la Convention Internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées (CIPPDF). En revanche, certains pays ont recommandé à la Mauritanie d’achever la transposition en droit interne de ces traités, ce que les autorités se sont engagées à faire. Toutefois, ces promesses sont à relativiser puisque la Mauritanie a annoncé que les recommandations relatives à l’application des traités internationaux qui sont en contradiction avec le droit interne ou la Constitution ainsi que les recommandations qui « ne peuvent pas être mises en œuvre », ne seront pas mises en œuvre sans toutefois apporter plus de précisions.

Enfin, lors de l’adoption du rapport, la délégation mauritanienne s’est engagée à travailler avec le Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme pour mettre en place un plan national d’action afin de mettre en œuvre les recommandations acceptées. Alkarama appelle les autorités en charge du suivi de l’EPU à faire preuve de diligence pour que les recommandations soient mises en œuvre et faire ainsi progresser la cause des droits humains en Mauritanie.

* L’EPU est un mécanisme du Conseil des droits de l’homme (CDH) dont la finalité est d’évaluer et d’améliorer la situation des droits humains dans chacun des 193 États membres des Nations Unies à travers l’examen, tous les quatre ans, des lois et pratiques de chaque pays en matière de droits humains.

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