Liban : Libération d'un détenu à la suite de la saisie des procédures onusiennes par Al-Karama et après le décès d'un autre détenu à la prison de Roumieh

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Le citoyen danois d'origine libanaise Arabi Ali Muhammad Ibrahim a été libéré après 11 jours de détention arbitraire et en dehors de tout cadre légal. Le 29 octobre 2021, Alkarama avait adressé un appel urgent au Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées. Les forces de sécurité libanaises avaient enlevé M. Arabi Ali Muhammad Ibrahim, le 20 octobre 2021 dans le quartier Al-Mankoubin à Tripoli, au Liban. Alors qu'il passait dans la rue Al-Nour, les forces de sécurité l'ont approché à bord de plusieurs voitures, puis l'ont roué de coups et l'ont forcé à monter dans l'une de leurs voitures, avant de l'emmener vers une destination inconnue, devant les passants et des voisins de la victime.

Alkarama condamne fermement les violations continues du droit à la liberté et à l'intégrité physique et morale par les autorités libanaises à travers les détentions arbitraires, disparitions forcées et actes de torture.

 

L’enlèvement comme forme de représailles

La victime est le fils de l'ancien détenu, Ali Muhammad Ibrahim, un Danois d'origine libanaise, qui a avait été arrêté à Tripoli le 24 mai 2007 avant d’être détenu au secret et torturé. Il fut ensuite transféré à la prison de Roumieh, où il est resté à l'isolement pendant 5 mois avant d'être transféré le 27 octobre 2008 dans l'aile « B » de la même prison.

Alkarama exprime sa préoccupation face à la persistance de la pratique de la torture qui prévaut encore dans le pays, en raison du non-respect par les autorités des recommandations du Comité contre la torture à cet égard, et de l’impunité totale des responsables de crimes de torture.

Par ailleurs, il semble que l'arrestation de Arabi Ali Muhammad Ibrahim soit une forme de représailles à l’encontre de son père pour son activisme pacifique au Danemark, contre l’impunité des membres des forces de sécurité responsables de son arrestation et des actes de tortures qu’il a subi dans son Liban natal.

Le 15 octobre 2008, Alkarama avait introduit une plainte individuelle auprès du Rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture, concernant M. Ali Muhammad Ibrahim, ainsi que 12 autres victimes de torture au Liban, qui avaient été arrêtés dans le contexte des événements tragiques qui ont eu lieu entre mai à septembre 2007 dans le camp de réfugiés palestinien de Nahr-al-Bared, au nord du Liban.

 

Décès de prisonniers du fait de négligence intentionnelle

Dans le même contexte, Alkarama a récemment appris le décès en prison du jeune Palestinien, Yasser Al-Hassan décédé dans sa cellule de la prison de Roumieh des suites d'une négligence médicale ayant entraîné une attaque cardiaque entraînant finalement sa mort après 15 ans de détention et de mauvais traitements. Al-Hassan a été arrêté dans le cadre des événements du camp de Nahr al-Bared, qui avaient été le théâtre de violations généralisées des droits humains, notamment des arrestations arbitraires et des peines injustes dans le cadre de procès inéquitables.

Alkarama avait informé les mécanismes de protection des Nations Unies de la situation des détenus et de leurs conditions de détention, soulignant qu’en vertu d’une décision du Conseil ministériel de 2007 ces détenus allaient être jugés par le « Conseil de justice ». Ce dernier, en tant qu’organe judiciaire d'exception ne leur garantissait pas un procès équitable et n’offrait aucun recours puisque les décisions rendues par ce conseil sont définitives et sans appel.

Lors de l’examen de la situation des droits de l’homme au Liban par les experts indépendants des Nations unies en novembre 2010, il avait été souligné que les poursuites par le Conseil judiciaire « contredit le principe de séparation des pouvoirs, d'indépendance de la justice et d'égalité devant la justice ». En outre, les détenus avaient tous affirmé avoir été torturés, que ce soit au siège du ministère de la Défense ou après leur transfert au tribunal militaire, dans le but d'extorquer des aveux d'appartenance au groupe Fatah al-Islam et de les utiliser contre eux lors de leur procès. Malgré cela, la justice n'a pas ordonné l'ouverture d'enquêtes sur ces allégations graves.

 

La torture : une pratique étendue au Liban

Il convient de noter que toutes les personnes arrêtées dans le cadre ou en relation avec les événements du camp de Nahr al-Bared ont été soumises à la torture et/ou à des mauvais traitements, y compris celles qui ont été détenues pendant de courtes périodes. De plus, la plupart des arrestations ont été effectuées sans injonction judiciaire, et sans informer les personnes concernées des motifs de leur arrestation, sachant que la plupart d'entre elles ont été effectuées par des membres des services de renseignement militaire en civil.

Selon leurs témoignages les victimes ont été détenues au secret pendant des durées variables, allant de quelques jours à plusieurs mois, notamment au siège du ministère de la Défense. Ils ont rapporté avoir été soumis à la torture suivant un certain modus operandi : tous les détenus ont signalé avoir été insultés, insultés, menacés et battus, dès les premiers instants après l'arrestation.

L'objectif principal de ces actes graves et sévères de torture physique et psychologique était d'extraire des aveux et de forcer les victimes à signer des rapports qui leur étaient dictés ou préparés par leurs bourreaux, et qu'ils ne pouvaient même pas lire.

Tous les détenus ont déclaré lors de leur première comparution devant le juge d'instruction avoir subi des tortures et des mauvais traitements au cours de leur détention secrète, mais le juge n'a à aucun moment pris en considération leurs déclarations ni ordonné l’ouverture d’une enquête sur leurs allégations.

Pourtant les déclarations des victimes étaient crédibles, notamment en ce qu’elles portaient toutes des traces visibles de torture sur certaines parties du corps et sur le visage pour certaines d'entre elles. En conséquence, il aurait été impossible pour les juges d'ignorer cette pratique, qui semble au contraire avoir eu l'approbation de l'ensemble de la magistrature.

En dépit des déclarations faites lors de leur comparution devant le juge d'instruction ou lors de leur présentation devant le tribunal, ce dernier avait utilisé contre les accusés les déclarations contenant les aveux arrachés sous la seule torture. À aucun moment ordre n’a été donné d’ouvrir des procédures d’enquête, et ce même lorsque les victimes nommaient leurs tortionnaires.