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Maroc : L'ONU demande aux autorités de libérer Abdessamad Bettar

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Saisi par Alkrama du cas de Abdessamad Bettar, Le Groupe de travail sur la détention arbitraire de l'ONU a rendu public son Avis n° 03/2013 considérant « que la détention de M. Bettar est arbitraire et contrevient aux dispositions des articles 9 et 10 de la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme et des articles 9 et 14 du Pacte International relatif aux droits civils et politiques ».

Les experts du groupe de travail onusien ont jugé, après la réponse officielle des autorités marocaines, que « les incriminations sur la base desquelles se fondent les poursuites sont vagues, non articulées, et non confortées par d'autres éléments confirmatifs » et ont considéré comme problématique « sa condamnation à de lourdes peines en instance et en appel, sur la seule base du procès verbal établi sur la base des actes de torture, en l'absence des témoins dont la présence a été sollicitée par ses avocats ». Le groupe de travail a donc considéré que la victime n'avait pas bénéficiée d'un procès équitable et que de ce fait sa détention était arbitraire.

Pour rappel, M. Bettar l'un des accusés dans « l'affaire du café Argana », avait été arrêté le 5 mai 2011 à Safi par des policiers de la DST et conduit, les yeux bandés, au commissariat de Maarif à Casablanca. Il a été détenu au secret pendant 12 jours au cours desquels il a subi de graves tortures. Il affirme avoir été forcé de signer, sous la torture, des procès verbaux sans les avoir lu.
Présenté devant le Procureur du Roi de Rabat le 17 mai 2011, il a été accusé d'avoir participé à l'attentat de Marrakech du 28 Avril 2011 et déféré le même jour devant le juge d'instruction du Tribunal de Salé.

Abdessamad Bettar se trouvait alors dans un état déplorable et a nié dès sa comparution tout lien avec les accusations portées contre lui ; il a fait part au juge des tortures subies lors de sa garde à vue et du fait qu'il avait été obligé de signer des procès verbaux sans les avoir lu, sans que le juge n'accorde la moindre attention à ses déclarations.

Bien qu'aucune preuve ni aucun élément matériel ne sont venus étayer les accusations portées contre lui, il a été inculpé et placé en détention provisoire à la prison de Toulal 2 de Meknès.
Détenu en isolement durant plusieurs mois, il rapporte avoir encore subi des traitements inhumains et dégradants pendant sa détention préventive; il a témoigne notamment avoir été complètement déshabillé, insulté et battu à de nombreuses reprises par les gardiens.

Le 28 Octobre 2011, il a été condamné à quatre années d'emprisonnement ferme à la suite d'un procès expéditif, sous les accusations de« constitution d'une organisation criminelle en vue de préparer des actions terroristes dans le but de porter atteinte à l'ordre public...», de « défaut de dénonciation d'un crime terroriste » de « tenue de réunions publiques sans autorisation préalable » et d'« exercice d'activités dans une association non autorisée ».

Ces accusations n'étaient étayées par aucune preuve ou éléments matériels et aucun des nombreux témoins figurant dans le procès verbal de police n'ont été cités à comparaître à l'audience par l'accusation en dépit des demandes réitérées de la défense.

Comme dans la grande majorité des affaires de « terrorisme » déférés devant la justice marocaine à partir de 2003 à la suite des attentats de Casablanca, les juges se sont contentés, pour prononcer leur condamnation, des seuls procès verbaux établis par la police et signés sous la contrainte à la suite de graves tortures.

Après sa condamnation, M. Bettar a interjeté appel du jugement et a entamé une grève de la faim pour protester contre les conditions inéquitables de son procès.
Lors de son jugement en appel, le 09 mars 2012 et alors même que le Parquet n'a présenté aucun nouvel élément au dossier, sa peine a été aggravée et portée à 10 ans de prison. Là encore, de graves distorsions aux règles élémentaires pour un procès équitable ont été relevées.

Le Groupe de Travail Onusien appelle les autorités marocaines à le libérer immédiatement, de l'indemniser et d'ordonner une enquête indépendante sur les conditions de son arrestation et de sa détention au secret.

Bien qu'une amélioration de la situation des droits de l'homme au Maroc a été récemment constatée dans le pays, Alkarama considère que le maintien en détention de M. Bettar, comme celle de centaines de personnes arrêtées et condamnées depuis 2001 sous le prétexte de la lutte antiterroriste, constitue un passif non résolu. Notre organisation a documenté des centaines de cas qui confirmaient alors le recours systématique à la détention au secret, à la torture et aux procès inéquitables.

Lors du dernier examen du Maroc par le Comité contre la torture en 2011, les experts onusiens invitaient encore les autorités à « examiner les condamnations pénales prononcées exclusivement sur la foi d'aveux afin d'identifier dans quels cas la condamnation s'est fondée sur des aveux obtenus sous la torture ou par des mauvais traitements. »

Alkarama appelle le nouveau Gouvernement à prendre des mesures courageuses pour rompre définitivement avec le passif des violations massives des droits de l'homme, en réexaminant toutes les condamnations ayant fait suite à des procès inéquitables et en libérant les centaines de personnes encore détenues.