
Samedi 9 mars 2013, la Coordination nationale des familles de disparu (e)s (CNFD), a organisé un rassemblement devant la « Grande Poste » au centre ville d'Alger pour revendiquer la vérité sur le sort de leurs proches arrêtés ou enlevés lors de la « décennie noire » par les services de sécurité algériens. Cette manifestation a été violemment réprimée par les services de police qui ont notamment procédé à l'interpellation de plus de cinquante manifestants.
Ce matin-là, plusieurs dizaines de familles de disparus venues de Constantine, de Sétif, de Jijel, de Relizane et de Laghouat ainsi que plusieurs défenseurs des droits de l'homme et syndicalistes ont répondu à l'appel de la CNFD. Ce rassemblement pour la vérité fait suite à une réponse des autorités algériennes au Groupe de travail sur les disparitions forcées de l'ONU au sujet de 81 disparus dont les cas ont été soumis à son attention par Alkarama et la CNFD. La Coordination dément la réponse des autorités algériennes qui affirment notamment dans leur réponse à l'ONU que leurs proches n'avaient pas été arrêtés par les services de sécurité mais qu'il s'agissait « d'éléments armés neutralisés durant des opérations anti-terroristes ». En effet, des documents officiels et des témoignages contredisant ces déclarations avaient été transmis par la CNFD au Groupe de travail de l'ONU.
Le jour de la manifestation, un imposant dispositif policier s'est déployé autour de la Grande Poste très tôt dans la matinée pour empêcher les manifestants d'accéder au centre ville. Dès 9 heures, plusieurs organisateurs ont été arrêtés à l'instar des représentants de l'organisation Mich'al, Mohamed Houli et Bouheneche Fares, tous deux fils de disparus.
Mohamed Houli a été violemment battu à coups de poings et de pieds. Il a ensuite été embarqué de force dans un véhicule de police et emmené au commissariat de Cavaignac non loin du lieu de rassemblement. Il a ensuite été transféré au commissariat du Télemny (du 10ème arrondissement d'Alger). Il y est resté détenu, sans boire ni manger jusqu'à 20 heures, et n'a été libéré qu'après avoir signé un Procès Verbal d'audition par la police.
Bouheneche Fares, a quant à lui été obligé de monter dans un véhicule de police dès son arrivée sur les lieux. Les policiers l'ont violemment frappé contre la porte de leur véhicule avant de l'emmener vers un autre commissariat de police. Plus tard dans la journée, il a également subi un interrogatoire de police et un PV avant d'être libéré en fin d'après-midi.
Durant la manifestation les services de sécurité ont multiplié les arrestations des militants et défenseurs des droits de l'homme parmi lesquels Tarek Mammeri, Abdallah Benaoum et Yacine Zaid, Slimane Hamitouche, qui ont tous été arrêtées et conduits au commissariat de Cavaignac, avant d'être transférés vers le commissariat de Saada (Riad El feth). Ils n'ont été relâchés qu'en fin de soirée.
En tout, les témoins ont fait état d'une cinquantaine d'interpellations, y compris de manifestants âgés parmi lesquels Laïb Lakhdar (78 ans), Baroudi Ali (75 ans) et Aïche Mohamed (78 ans) sans égard pour leur âge ou pour leur état de santé.
Farida Ouaghlissi, l'une des organisatrices militante au sein de la CNFD, rapporte qu'à la fin de la matinée, seules quelques dizaines de femmes âgées, mères de disparu(e)s restaient encerclées par un impressionnant cordon de policiers sur l'esplanade située en face de la Grande Poste, continuant, malgré les coups qui leurs étaient portés à scander leur droit à la justice et à la vérité.
Il faut rappeler que toute manifestation publique reste interdite en Algérie et notamment à Alger en dépit de la levée de l'état d'urgence en février 2011 et que toute tentative de rassemblement est violemment réprimée qu'il s'agisse de manifestations à caractère politique, de syndicalistes ou de familles des victimes de la décennie noire.
Les agissements des services de police constituent une grave violation du droit au rassemblement pacifique, droit reconnu et protégé par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques auquel l'Algérie est partie.
Alkarama a saisi aujourd'hui le Rapporteur spécial sur le droit de réunion et d'association pacifiques pour lui demander d'intervenir auprès des autorités algériennes afin qu'elles mettent un terme à toute persécution des défenseurs des droits de l'homme et des membres des organisations des familles de disparus et de garantir leur droit à manifester pacifiquement.
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