We are sorry, this content is not available in this language.

Maroc: Alkarama a présenté un rapport dans le cadre du processus de réaccréditation de l'Institution nationale des droits de l'homme

Alkarama a présenté en juin une contribution dans le cadre du processus quinquennal de ré-accréditation de l'Institution nationale des droits de l'homme (INDH) marocaine qui a lieu en octobre 2010. Le Conseil consultatif des droits de l’homme (CCDH) au Maroc dispose actuellement du statut A. Alkarama considère que le Conseil se doit d’être plus réactif, voire offensif sur des questions sensibles notamment à propos de la persistance de certaines pratiques attentatoires aux libertés publiques les plus fondamentales et clairement imputables à des agents de l’Etat.

Au cours des dernières années, le Conseil peine à s’affirmer comme un trait d’union entre les pouvoirs publics et les citoyens. Certaines ONG indépendantes considèrent qu'il ne joue pas le rôle qui devrait être le sien et qu’en l’absence de prise de position plus ferme sur les graves violations actuelles, il s'apparente à un porte-parole officiel des autorités publiques en matière des droits de l’homme.

Le Roi du Maroc, Mohamed VI, a voulu marquer une rupture avec le lourd passif du pays en matière de droits de l’homme. En janvier 2004, l’Instance Equité et Réconciliation (IER) a été créée. Cet organisme a été chargé de faire la lumière sur les graves violations des droits de l’homme perpétrées entre 1956 et 1999 au Maroc à condition de renoncer aux poursuites pénales. Le Conseil est fortement identifié aux travaux de l'Instance puisque dans le rapport final du 30 novembre 2005, il a été chargé du suivi des recommandations de l'Instance. Or les travaux et les recommandations de l'IER sont très en deça des attentes des victimes, de leurs familles et de nombreuses ONG locales et internationales. En particulier, certains déplorent qu'une telle commission n'ait pas été mandatée pour oeuvrer dans le sens de la vérité et de la justice et qu'en définitive, mis à part la recommandation relative à la réparation individuelle, pas d'autres progrès n'ont été réalisés.

A ce jour et depuis sa création, le Conseil n’a adopté que trois recommandations et deux avis. La première date de juillet 2003 et porte sur « les prérogatives consultatives du conseil concernant l’étude des législations, conventions internationales en relation avec les droits de l’Homme ». A ce titre, le Conseil a été associé par les autorités aux travaux portant sur la réforme de la justice, et notamment du système pénal.

Ce n’est qu’une année plus tard qu’un Avis consultatif a été soumis à l'appréciation du Roi relatif à « l’harmonisation du code pénal marocain pour la lutte contre la haine, la discrimination et la violence ». A ce jour, nous ignorons dans quelle mesure les autorités ont tenu compte de cet avis étant entendu que le processus d’harmonisation semble bloqué.

Alors que depuis 2003, après les attentats commis á Casablanca, la situation des droits de l’homme se dégrade d’une manière significative, et pendant que les forces de sécurité marocaines procèdent à des vagues d'arrestations suivies de torture et de détentions secrètes, le Président du Conseil déclare « Ce que nous pouvons dire à propos de la situation actuelle des droits de l’Homme au Maroc en comparaison avec les années de plomb, c’est qu’il n’y a plus de violations graves et systématiques des droits de l’Homme ». (1)

Pourtant l’entrée en vigueur du nouveau Code de procédure pénale en octobre 2003 à la suite d’un processus auquel le Conseil avait participé avait laissé espérer une amélioration significative en matière de protection des droits des prévenus. Mais la loi 03-03 relative à la lutte contre le terrorisme promulguée remet en cause de façon préoccupante toutes les garanties instaurées par la loi précédente. Le Conseil, bien qu’associé dans le processus de réforme législative, n’a jamais critiqué ou émis de quelconques réserves sur cette loi liberticide unanimement dénoncée par les militants des droits de l’homme.

Les principaux organes de Traités dans leurs Observations finales ont également relevé l’incompatibilité de la loi 03-03 avec les obligations de l’Etat partie et ont recommandé à celui-ci de revoir sa législation. Le Conseil s’est cependant abstenu de rappeler aux autorités la nécessité de mettre en œuvre cette recommandation importante.

A ce jour de graves abus persistent sans que les ONG sur le terrain n’enregistrent de réaction de la part de l’Institution nationale. A titre d’exemple, entre le 12 mars 2010 et le 03 mai 2010, Alkarama a reçu les cas de onze personnes qui ont fait l’objet d’enlèvements sur la voie publique ou à leur domicile par les services de la DGST, enlèvements suivis de détention au secret. Là encore, aucune réaction officielle n’a été rapportée par les familles qui ont saisi le CCDH de ces violations.

Alkarama a proposé au Sous-comité d'accréditation des INDH des recommandations à soumettre au Conseil consultatif des droits de l’homme :

1- Assurer un véritable pluralisme dans le processus de consultation de la société civile dans le cadre de la sélection des personnalités susceptibles de devenir membres du Conseil.

2- Adopter et soumettre au gouvernement des recommandations pertinentes et en adéquation avec la situation réelle des droits de l’homme dans le pays, et le cas échéant, critiquer les positions gouvernementales par rapport aux questions les plus sensibles.

3- Donner plus d’effets au mécanisme de plaintes individuelles prévu par les Statuts du Conseil.

4- Interagir de façon plus étroite avec les différents mécanismes internationaux de protection de droits de l’homme :
- En commençant notamment par assurer une diffusion aussi large que possible dans le pays des différentes observations finales des organes de traités ;
- En incitant l’Etat à assurer un suivi effectif des différentes recommandations adoptées par les organes de traités ;
- En participant à la préparation des « Listes de questions » susceptibles d’être soulevées par les organes de traités préalablement à l’examen des rapports périodiques de l’Etat ;
- En informant les citoyens sur la possibilité de soumettre des plaintes individuelles au Comité contre la torture depuis la levée en 2006 de la réserve sur la compétence du Comité ;
- En informant les citoyens sur la possibilité de saisir les Procédures spéciales de l’ONU en matière de violations de droits de l’homme.

Notes

1. Mohamed Aswab, « Les progrès des droits de l’Homme au Maroc sont différemment appréciés par les acteurs » in Aujourd'hui Le Maroc, 10 décembre 2009, http://new.aujourdhui.ma/couverture-details72691.html