![]() Rachid Mesli, Directeur juridique de la Fondation Alkarama |
Me Ali-Yahia est incontestablement l'un des pionniers et des piliers de la défense des droits de l'homme en Algérie et dans le monde arabe. Il en est aussi incontestablement le doyen et je ne pense pas qu'il existe beaucoup de défenseurs des droits de l'homme encore et aussi engagés que lui à 88 ans.
Comme vous le savez, c'est surtout et d'abord en situation de crise et de tensions, guerres ou conflits internes, que la situation des droits humains est la plus préoccupante et ou l'on recense sur le terrain le plus de violations et parmi les plus graves comme les exécutions sommaires, les disparitions forcées, la torture ou les arrestations et détentions arbitraires ; ces violations dont précisément notre organisation s'occupe dans le monde arabe.
C'est donc en particulier dans ce genre de contexte que la mobilisation des défenseurs des droits humains sur le terrain doit ou devrait être la plus forte pour dénoncer les dérives des pouvoirs qui violent les droits fondamentaux de la personne humaine et faire en sorte que ces violations cessent.
C'est aussi à ces moments là que les victimes, toutes les victimes et leurs familles ont le plus besoin de protection et d'assistance ou simplement d'une oreille compatissante pour les écouter et de quelqu'un pour les soutenir et les consoler.
![]() « On peut bien sûr le comprendre, les dictatures n'aiment pas les témoins, et les premières victimes sont souvent, justement, les militants des droits humains. » |
Mais c'est malheureusement et justement à ces moments là que les défenseurs des droits de l'homme se font les plus rares car ils ont peur.
On peut bien sûr le comprendre, les dictatures n'aiment pas les témoins, et les premières victimes sont souvent, justement, les militants des droits humains. Ainsi, beaucoup de ceux qui s'engagent en temps de paix se taisent le moment où justement on a le plus besoin d'eux.
Si en Algérie, après le coup d'Etat militaire de janvier 1992 un homme est resté debout pour dire non aux atteintes massives des droits de l'homme commises par le pouvoir, c'est bien Me Abdennour Ali-Yahia.
Vous avez pu voir son long parcours de militant pour la liberté d'abord durant l'époque coloniale, pour les travailleurs ensuite en tant que syndicaliste et fondateur du mouvement syndical algérien mais aussi, avec une constance qui ne s'est jamais démentie après l'indépendance du pays, pour dénoncer toutes les dérives du régime en place.
Alors, lorsqu'au lendemain du coup d'Etat militaire, les vainqueurs des élections législatives de 1991 connaîtront les camps de concentration, la torture, les exécutions sommaires et les disparitions forcées, il sera là encore une fois.
Et beaucoup de ceux qui se prétendaient des militants des droits de l'homme lui ont reproché de défendre les mauvaises victimes, comme ces avocats qui détournaient pudiquement les yeux dans les couloirs des palais de justice lorsqu'ils croisaient les prévenus en sang et en loques.
![]() « Je veux seulement et simplement témoigner aujourd'hui que Me Ali-Yahia avec beaucoup de courage et dans les moments les plus difficiles pour les victimes était présent. » |
Me Ali-Yahia a défendu toutes les victimes quelles que soient leurs convictions politiques ou leurs idées, simplement parce qu'elles étaient des victimes.
Je veux seulement et simplement témoigner aujourd'hui que Me Ali-Yahia avec beaucoup de courage et dans les moments les plus difficiles pour les victimes était présent.
Les moments où nous nous rendions ensemble visiter nos clients dans les prisons, que nous étions suivis par la police et la Sécurité Militaire, que nous n'étions pas sûrs de revenir vivants auprès des nôtres et que chaque jour était un jour de gagné.
Il est resté debout pour soutenir les détenus d'opinion, les victimes de tortures et les mères de disparus dans les moments les plus difficiles.
Alors je veux seulement témoigner de cela et lui dire simplement : Merci d'avoir toujours été là dans ces moments où les damnés de la terre avaient le plus besoin de toi.