The issue of statelessness in Qatar

En 2016, nous avons soumis aux Mécanismes des Nations Unies 1communication concernant 1 victime


QATAR

Nos préoccupations :

  • Les restrictions à la liberté d'expression et la criminalisation de la diffamation telle que stipulée dans la Loi n ° 14 de 2014 sur la lutte contre la cybercriminalité ;
  • La discrimination sociale et économique vis-à-vis des apatrides ;
  • La restriction de la représentation politique.

Nos recommandations :

  • Modifier la loi de 2014 sur la cybercriminalité pour veiller à ce qu'elle soit conforme au droit international relatif aux droits de l'homme ;
  • Garantir le droit fondamental à la liberté d'opinion et d'expression ;
  • Ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture ;
  • Restituer la nationalité à tous les apatrides résidents au Qatar et leur accorder l’égalité d'accès aux droits sociaux et économiques ;
  • Veiller à ce que le Comité national des droits de l'homme respecte pleinement les Principes de Paris.

A suivre:

  • Mai / Juin 2017 : Examen du Qatar par le Comité des droits de l'enfant;
  • 23 novembre 2017 : Retard d'une année dans la soumission du troisième rapport périodique du Qatar au Comité contre la torture.

La situation des droits de l'homme au Qatar n'a pas connu de changements significatifs en 2016. L'exécutif reste la seule source de pouvoir décisionnel et conserve un contrôle effectif sur le pouvoir législatif et le pouvoir judiciaire. Alors que le pays continue à mettre en œuvre des réformes dans le domaine des droits de l'homme, notamment par l'adoption de législations plus favorables pour protéger les droits des travailleurs migrants, de nouvelles mesures doivent être prises pour promouvoir, protéger et appliquer les autres normes internationales relatives aux droits de l’homme. Malgré l'attention accrue des médias et des organisations de défense des droits de l’homme portée au pays en raison de la préparation de la Coupe du monde de football de 2022 à Doha, les travailleurs migrants ont continué à faire face à des conditions difficiles. Le 14 décembre 2016, la loi n ° 21 de 2015, qui réglemente l'entrée, la sortie et la résidence des expatriés, est entrée en vigueur. Cette loi vise à remplacer le système de la Kafala par un système contractuel et annule la procédure de permis de sortie du territoire. Bien que cette loi ait été considérée par certains comme une grande avancée, les organisations de défense des droits de l’homme l’ont critiqué pour n'avoir pas abordé les questions les plus problématiques auxquelles sont confrontées les travailleurs migrants. Le 26 janvier 2016, le Sous-comité d’accréditation de l'Alliance mondiale des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme a publié son rapport recommandant que l'Institution nationale des droits de l'homme du Qatar - le Comité national des droits de l'homme - conserve son statut «A» pour démontrer sa pleine conformité avec les Principes de Paris, les normes internationales établies pour assurer l'indépendance de l'INDH vis-à-vis du gouvernement et la promotion et protection efficace des droits de l'homme. Cependant, Alkarama reste préoccupée par le déficit d'indépendance de la CNDH vis-à-vis du pouvoir exécutif, car ce dernier contrôle ses statuts, la nomination de ses membres ainsi que son budget. En l'absence d'un organe législatif élu dans le pays, il demeure extrêmement difficile pour la CNDH d'être complètement indépendante d’un exécutif qui conserve le monopole de la promulgation des lois. Enfin, au niveau régional, le Qatar a activement plaidé, au cours du 16e Forum de Doha en mai 2016, pour la cessation de l'occupation israélienne de Jérusalem et du plateau du Golan. Le ministre des Affaires étrangères du Qatar, Sheikh Mohammed bin Abdulrahman Al Thani, a déclaré que «la réalisation de la paix au Proche Orient est liée à la fin de l'occupation israélienne de tous les territoires arabes». Il est à noter que les relations du Qatar avec les autres États membres du Conseil de coopération du Golfe se sont nettement améliorées depuis que le Qatar a rejoint la coalition militaire dirigée par l’Arabie Saoudite au Yémen en mars 2015. Le 11 juillet 2016, le pays a également signé un nouvel accord de sécurité avec Oman portant sur la lutte contre le terrorisme, le trafic de drogue, la traite des êtres humains et la cybercriminalité.

Absence de droits et libertés civils, y compris la liberté d'expression

Alkarama reste préoccupée par la situation des libertés civiles et politiques dans le pays, notamment en ce qui concerne les atteintes au droit à la liberté d'expression. Bien que l'article 47 de la Constitution du Qatar garantisse la liberté d'expression, les autorités n'ont pas manifesté une véritable volonté de promouvoir ce droit fondamental. Le poète Mohamed Al Ajami a été libéré le 15 mars 2016 lorsque l’émir du Qatar lui a accordé sa grâce après cinq ans de détention. Al Ajami avait été arrêté en 2011 et condamné deux années plus tard à 15 ans d’emprisonnement pour avoir écrit et déclamé un poème interprété par les autorités comme une «incitation au renversement du régime» et une «insulte à l'émir». La liberté des médias reste limitée. Le 30 novembre 2016, les autorités qataries ont ordonné aux deux fournisseurs de services Internet au Qatar, Vodafone et Ooredoo, de bloquer le site web de Doha News, l'une des plateformes de nouvelles locales les plus populaires au Qatar qui, diffusant en ligne depuis six ans, s’intéressait notamment à la publication d’articles relatifs aux expatriés et à la culture du pays. Bien que le Pays affirme son attachement à la liberté d'expression en se présentant comme un «centre de liberté des médias», la loi n ° 14 de l’année 2014 sur la lutte contre la cybercriminalité contredit cette affirmation. Cette loi criminalise en effet la propagation de «fausses informations» sur Internet en prévoyant une peine de trois ans d’emprisonnement contre toute personne reconnue coupable de publication en ligne de contenu qui «viole les valeurs ou principes sociaux» ou «insulte ou calomnie autrui». Cette loi risque de porter atteinte de manière indiscriminée à la liberté d'expression car ses dispositions, extrêmement vagues, laissent ouverte la porte toutes les interprétations possibles et par conséquent à de graves abus. Afin de garantir les libertés civiles, notamment la liberté d'expression, les autorités qataries devraient réviser la loi sur la cybercriminalité pour la mettre en conformité avec les normes internationales relatives aux droits de l'homme. En outre, le Qatar devrait ratifier le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, un instrument international des droits de l'homme dont la mise en œuvre est surveillée par le Comité des droits de l'homme de l'ONU, un organe d'experts indépendants qui peut recommander aux autorités de faire des libertés civiles une réalité sur le terrain.

La question de la citoyenneté et de l'apatridie

La Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH) du Qatar affirme qu'il y a actuellement entre 300 et 400 apatrides résidant au Qatar. Toutefois, selon le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, ce chiffre est en réalité beaucoup plus élevé, soit environ 1,500 individus. La population apatride au Qatar souffre de mesures discriminatoires en raison du déni de leur droit à la nationalité. Alors que le gouvernement offre aux apatrides résidant à Qatar l'accès à l'éducation de base et aux soins de santé, ces derniers se heurtent par ailleurs à des difficultés lorsqu'ils poursuivent des études supérieures. Ils doivent également renouveler leur permis de résidence tous les deux ans à un prix élevé, alors même qu'ils sont défavorisés et se heurtent à des difficultés à trouver et à garder un emploi et restent privés du droit à l’accès à la propriété. Les apatrides n'ayant droit qu'à un document de voyage établissant leur apatridie, leur droit à la liberté de circulation est également entravé ; tandis que certains pays leur permettent de solliciter et d'obtenir le statut de réfugié, de nombreux autres pays leur refusent l’entrée. Enfin, le Qatar exige que les apatrides obtiennent une autorisation préalable à leur mariage, qu'il s'agisse avec un citoyen qatari, non-qatari ou d'un autre apatride. De même, avant d'enregistrer la naissance d'un enfant d’un père qatari et d’une mère apatride, le père doit présenter le permis de se marier avec la mère de l'enfant dans le cadre du processus d'enregistrement des naissances. Bien que le gouvernement offre un moyen légal pour les résidents de longue durée de demander la citoyenneté, dans la pratique, les restrictions et la non-application de la loi empêchent souvent les apatrides d'acquérir ce statut. En effet, la Loi sur la nationalité n° 38 de 2005 permet à un maximum de 50 résidents par an d'obtenir la nationalité après avoir résidé dans le pays pendant 25 années consécutives. Une telle discrimination est illustrée par le cas de la tribu bédouine d’Al Murrah, en particulier le clan Al Ghofran, qui, en 1995, a été accusé collectivement d'avoir incité et mené une rébellion au profit de l'émir Khalifa bin Hamad al Thani, qui avait été déposé par son fils. Des membres de la tribu ont donc été arrêtés et condamnés à de lourdes peines de prison. Des responsables avaient alors décidé de déchoir un grand nombre de personnes appartenant à cette tribu de leur nationalité qatarie. En 2004, le ministère de l'intérieur a donc déchu environ 5000 membres de la tribu de leur nationalité. Ils avaient alors été expulsés de leurs domiciles et empêchés d'accéder à des services tels que les soins de santé, l'éducation, l'eau et l'électricité. Le Qatar a depuis restitué la nationalité à la plupart de ces personnes dont un nombre indéterminé reste cependant apatride, tandis que deux d’entre eux sont toujours détenus depuis plus de 20 ans.

ATTEINTES AU DROIT À LA PARTICIPATION POLITIQUE EN VUE DES ÉLECTIONS CONSULTATIVES DU CONSEIL DURANT 10 ANS

La monarchie constitutionnelle du Qatar est dirigée par l'émir, qui nomme le Premier ministre et le cabinet, et dont la famille détient le monopole du pouvoir politique. En tant que tel, le gouvernement ne permet pas la création de partis politiques. La mise en place d'un Parlement élu, le Conseil consultatif (Majlis Al Shura), est inscrit dans la Constitution. En principe, des élections devraient être organisées tous les quatre ans pour pourvoir à 30 des 45 sièges du Conseil, l'émir étant autorisé à nommer les 15 autres membres. Pourtant, le 17 juin 2016, l'émir Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani a promulgué un décret prorogeant le mandat du Conseil Consultatif de trois ans, reportant ainsi une fois de plus les élections législatives au 30 juin 2019. Initialement prévues pour 2006, ces élections ont été reportées à plusieurs reprises et accusent aujourd’hui dix années de retard. Bien que la Constitution du pays prévoie que le Conseil soit composé de 45 membres dont les deux tiers sont élus au suffrage universel et un tiers nommé par l'émir, depuis 2006, il est composé exclusivement de membres nommés par l'émir. En 1999, les premières élections sur une base non partisane du Conseil municipal central - un organe composé de 29 membres, chargé de conseiller le ministre des Affaires municipales - ont eu lieu. Le mandat du conseil municipal, qui n’a qu’un rôle consultatif, dure quatre ans et celui-ci ne dispose d’aucun pouvoir exécutif. Lors des dernières élections du Conseil, qui se sont tenues en mai 2015, deux des 29 sièges ont été remportés par des femmes, contre seulement un siège au Conseil précédent. Bien que la participation soit passée de 43% des électeurs inscrits en 2011 à 70% en 2015, le nombre réel d’électeurs enregistrés a chuté de 40% à un minimum de 21.735, pour un corps électoral d’environ 150.000 personnes. En pratique, à l'exception des militaires et des employés du ministère de l'Intérieur, tous les citoyens qataris de plus de 18 ans peuvent voter. Dans l'ensemble, les droits politiques accordés aux qataris se limitent à l'élection des organes consultatifs et le Conseil consultatif, sachant que les élections ont été suspendues pendant les 10 dernières années. Par conséquent, à ce jour, les citoyens qataris ne disposent d’aucune représentation politique réelle.