Voting in Parliamentary Elections, November 2016, Kuwait.

En 2016, nous avons soumis aux Mécanismes des Nations Unies 1 communications concernant 1 victimes


KOWEIT

Nos préoccupations :

  • Les violations du droit à la liberté d'expression, notamment par la promulgation de la loi sur la cybercriminalité;
  • Les restrictions interdisant la participation politique des personnes condamnées pour diffamation ou blasphème ;
  • La persécution continue des militants des droits de l'homme, des blogueurs, des journalistes et des opposants politiques ;
  • La discrimination contre les Bidouns et la révocation de la nationalité comme mesure de punition des opposants politiques.

Nos recommandations :

  • Modifier la loi n ° 78/2015 pour limiter la collecte d'ADN aux seuls suspects et veiller à ce que le droit à la vie privée soit respecté ;
  • Réviser la loi électorale interdisant aux personnes condamnées pour diffamation et blasphème de se présenter aux élections ;
  • Abroger et réviser toutes les lois limitant la liberté d'opinion et d'expression et s'assurer qu'elles soient conformes aux obligations internationales du Koweït en vertu du PIDCP ;
  • Mettre fin à toutes les formes de discrimination contre les Bidouns et mettre un terme à la pratique de la révocation de la nationalité.

A suivre :

  • Révision de la Loi 78/2015 sur la collecte de l’ADN ;
  • 5 juillet 2017 : Soumission du rapport de suivi du Koweït au Comité des droits de l’homme ;
  • 12 août 2017 : Soumission du rapport de suivi du Koweït au Comité contre la torture.

En 2016, en raison de la baisse des prix du pétrole, le Koweït a fait face à son premier déficit en deux décennies, poussant le gouvernement à réduire les subventions aux carburants. La crise a engendré un débat national qui a entrainé plusieurs députés à s'opposer au gouvernement et a conduit l’émir à dissoudre le parlement le 16 octobre 2016. De nouvelles élections ont été tenues le 26 novembre 2016 pour pourvoir aux 50 sièges de l’assemblée, avec un total de 454 candidats, dont 15 femmes. Ces élections ont également vu le retour des grandes figures de l'opposition, mettant fin à un boycott de quatre ans alors initié en réponse à la décision du gouvernement de modifier le système électoral. Cependant, le comité électoral a interdit la candidature d’une cinquantaine de personnes au prétexte de l’existence de «jugements» à leur encontre ou de «procédures en cours». Un certain nombre de ces candidats disqualifiés sont des membres de l'opposition qui avaient déjà été poursuivis et condamnés pour avoir simplement exercé leur droit à la liberté d'expression. De nouvelles modifications apportées à la loi électorale en juin 2016 disposent que les personnes condamnées pour diffamation ou blasphème seraient désormais interdites de se présenter aux élections. En 2016, le Koweït a été examiné par deux organes de traité des Nations Unies, à savoir le Comité des droits de l'homme (Comité DH) et le Comité contre la torture (CAT). Au cours de l'examen de la situation des droits civils et politiques, le Comité des droits de l'homme a soulevé un certain nombre de questions relatives aux violations des libertés fondamentales, y compris la discrimination à l'encontre des Bidouns - les apatrides - et la révocation de la nationalité pour punir les opposants politiques. De son côté, le CAT a attiré l’attention sur le manque de respect par l'État des garanties juridiques applicables depuis le début de l'arrestation et sur l'absence d'enquête sur les allégations de torture ainsi que l’absence de mécanismes de prévention et de plainte adéquats.

La Loi sur l'ADN et les violations du droit à la vie privée

En 2015, le Parlement koweitien a adopté la loi n ° 78/2015, légalisant la collecte « obligatoire » et indiscriminée d'échantillons d'ADN de tous les citoyens, résidents et visiteurs du Koweït. La loi fixait un délai d'un an pour la collecte d'ADN et prévoyait que toute personne qui refuserait de fournir aux autorités un échantillon serait condamnée à «un an de prison et une amende de dix mille dinars. » À l'époque, les autorités décrivaient la loi comme une mesure de lutte contre le terrorisme en réponse à une attaque contre une mosquée chiite en juin 2015. La loi koweïtienne sur l'ADN, composée de 13 articles, est une première mondiale du genre en ce qu'elle oblige indistinctement tous les individus à fournir un échantillon de leur ADN. Dans son rapport au Comité des droits de l’homme en vue de l’examen du Koweït en juin 2016, Alkarama a dénoncé les dangers potentiels posés par cette loi, et formulé un certain nombre de recommandations afin de sauvegarder le droit à la vie privée de toutes les personnes présents au Koweït. Dans ses Observations finales, le Comité DH, a fait siennes et relayé les recommandations d'Alkarama en appelant le Koweït à "réviser sa loi n ° 78/2015 et à limiter la collecte d'échantillons aux personnes soupçonnées d'avoir commis des crimes graves". Il a en outre demandé au Koweït de n'autoriser la collecte d'ADN que sur ordre d'une autorité judiciaire compétente, et de garantir la possibilité de «contester la légalité de la demande de collecte d'ADN», de «fixer un délai après lequel les échantillons d'ADN devaient être définitivement retirés de la base de données » et, enfin, d'instituer une autorité indépendante chargée de superviser et d'administrer la base de données génétiques afin d'éviter leur utilisation inappropriée par le ministère de l'intérieur. Le 19 octobre 2016, le Parlement koweïtien a annoncé qu'il réviserait sa loi sur l'ADN et la mettrait en conformité avec la Constitution koweïtienne, qui protège le droit à la vie privée. Par conséquent, l'émir a demandé au Parlement de réexaminer la portée de la loi en vue de limiter la collecte obligatoire d'ADN à des suspects au lieu de l’imposer à tous les citoyens et résidents au Koweït comme il était envisagé initialement.

L'absence d'un pouvoir judiciaire indépendant

La magistrature du Koweït souffre d'un grave manque d'indépendance. En effet, bien que la Constitution consacre la séparation des pouvoirs, elle indique également que la loi est rendue par les tribunaux «au nom de l'émir». En outre, l'exécutif contrôle la procédure de recrutement des juges, qui sont nommés par arrêtés de l’Emir sur la base des suggestions du ministre de la Justice. Un autre facteur concernant le manque d’indépendance réside dans le fait que la magistrature koweïtienne est composée en partie de juges étrangers, qui sont employés sur une base contractuelle et pour une période limitée. Cela est en contradiction directe avec le principe de l'inamovibilité des juges, qui vise à assurer leur stabilité, leur impartialité et leur indépendance. Ainsi, le ministre de la Justice peut décider de prolonger leur nomination après l'expiration de leur contrat. Dans ce contexte, l'examen de leur performance et la prolongation de leur mandat dépendent du Ministère de la Justice, qui exerce donc un contrôle important sur leur carrière et compromet ainsi leur indépendance. Un autre aspect lié au manque d'indépendance de la magistrature concerne le système disciplinaire en vigueur. En effet, tous les deux ans, un organe administratif effectue une inspection qui évalue le rendement des juges. Toutefois, la décision de déférer les juges ayant un score inférieur à la moyenne à la Cour suprême - qui décidera formellement de leur licenciement - est laissée à la discrétion du ministre de la Justice. Il parait donc évident que la loi koweïtienne sur l'organisation du pouvoir judiciaire confère au ministère de la Justice le pouvoir de superviser l’institution judiciaire. En juillet 2016, en écho aux préoccupations d'Alkarama, le Comité DH a recommandé au Koweït de «garantir l'indépendance, l'autonomie et l'impartialité du pouvoir judiciaire en réformant son système de nomination, de promotion et de discipline des juges ainsi que la sécurité de l’emploi des juges étrangers». Tous ces éléments soulèvent la question de l'intégrité du pouvoir judiciaire et son rôle dans la politisation de certaines affaires. Il en ressort donc que celui-ci peut être instrumentalisé pour des motifs politiques pour poursuivre des personnes considérées comme opposées aux autorités. C'est le cas de Musallam Al Barrack, un ancien député emprisonné pour avoir critiqué la politique de l'émir.

LA NOUVELLE LOI SUR LES CYBERCRIMES VIOLE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION

En janvier 2016, la loi koweïtienne n ° 63 sur la cybercriminalité est entrée en vigueur. Cette législation restreint gravement la liberté d'opinion et d'expression. Ses définitions vagues peuvent facilement être utilisées pour réprimer les opposants pacifiques. La loi punit en effet, entre autres, la publication en ligne d'informations qui «pourraient nuire à la moralité publique» ou les critiques envers l'émir. Les lois condamnant les critiques de l'Emir ou des institutions de l'État sont contraires à l'esprit du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). Alkarama a mis en évidence ces violations de la liberté d'expression dans son rapport parallèle adressé au Comité des droits de l’homme, en recommandant que ces dispositions soient amendées afin de les rendre conformes aux obligations internationales du Koweït en vertu du PIDCP. Alkarama a également exprimé sa préoccupation quant au recours à cette législation pour poursuivre les défenseurs des droits de l'homme, les journalistes ou toute autre personne exprimant des opinions critiques. Elle a en outre dénoncé la loi adopté par le Koweït sur les communications qui restreint les libertés fondamentales, ainsi que les décisions administratives ordonnant la fermeture de plusieurs médias. Dans ses observations finales, le Comité des droits de l'homme a tenu compte des préoccupations d'Alkarama et a recommandé à l’Etat partie de garantir la liberté des médias en veillant à ce que ceux-ci puissent fonctionner indépendamment et sans ingérence du gouvernement. Le Comité des droits de l'homme a en outre recommandé que toute décision de fermer des médias soit prise par un organisme indépendant sous le contrôle d’un organe judiciaire. En outre, Alkarama a demandé au Koweït de libérer toutes les personnes emprisonnées pour avoir simplement exprimé leurs opinions et leur attribuer une réparation.