Liban : Tortures et poursuites pénales de civils devant des juridictions militaires

Alkarama for Human Rights, 4 septembre 2007

Alkarama for Human Rights a communiqué le 3 septembre au Rapporteur spécial sur la torture des cas graves de tortures et de traitements inhumains et dégradants qui se sont déroulés au Liban aux mois de mars et avril 2007.

Les dix personnes dont les noms sont cités ci-dessous font actuellement l'objet de poursuites pénales devant le tribunal militaire de Beyrouth en dépit du fait qu'ils soient tous civils et que les faits qui semblent leur être reprochés par la juridiction militaire ne constituent pas des infractions à caractère militaire.

Il s'agit de :
1- Houssam  Issam DALLAL, né le 08 août 1986 à Al Jadida (Nabatieh) étudiant à l'Université de Beyrouth, demeurant avec sa famille, Manteqat Al Qubba, à Tripoli dans le nord du Liban, arrêté le 1er avril 2007 à son domicile par les services de renseignement militaire.

2- Naif Salem Al BAQQAR, né le 06 octobre 1983, à Al Qubba (Tripoli) étudiant à l'Université de Sidon (Tripoli) convoqué le 23 mars 2007 par les services de renseignement militaire et arrêté lorsqu'il s'est présenté à cette convocation.
 
3- Mahmoud Ahmed ABDELKADER, né le 1er février 1978 à Mehal, mécanicien auto, arrêté le 31 mars 2007 près de son domicile, à Al Qubba (Tripoli)

4-Ahmed Fayçal ARRADJ, née le 1er janvier 1983, à Al Haddadain, Tripoli, fonctionnaire, arrêté le 31 mars 2007 à 12 heures sur le lieu de son travail à Akkar (Tripoli)

5-Billal Ahmed Al Badwi ASSAYED, né le 18 novembre 1976, comptable, arrêté à son domicile le 4 mars 2007.

6- Assad Mohamed AL NADJAR, de nationalité palestinienne, né au Liban le 1er janvier 1975, employé dans une entreprise de construction, arrêté à son domicile à son retour du travail le 2 avril 2007.

7- Omar Azzedine AL ALI, né le 11 novembre 1972, chauffeur de taxi, arrêté à son domicile le 23 mars 2007.

8- Omar Mohamed GHENOUM, né le 15 janvier 1979, comptable, arrêté le 31 mars 2007 sur le lieu de son travail le.

9- Ahmed Mohamed Ghazi AL RATL, né le 11 mars 1973 à Tripoli, arrêté à son domicile  le 31 mars 2007.
 
10- Tarek Mamdouh AL HADJ AMINE, né le 29 octobre 1982 à Tripoli, menuisier, arrêté à son domicile le 31 mars 2007

Les personnes citées ont toutes été arrêtées par des agents des services de renseignement de l'armée sans mandat de justice et sans que les motifs ne soient notifiés aux prévenus.

Détenus d'abord au siège régional des services de renseignement de l'armée de Tripoli, ils ont été transférés quelques jours plus tard au siège du ministère de la défense à Beyrouth où leur détention au secret s'est poursuivie pendant une période allant jusqu'à une quinzaine de jours selon les cas.

Au cours de ces détentions au secret, ils ont tous été torturés et fait l'objet de graves sévices de la part des agents et officiers des services de renseignement militaire.

Ainsi, tous rapportent avoir été battus sur toutes les parties du corps, soit à l'aide de bâtons soit avec un tuyau en caoutchouc, et ce dès les premiers instants de leur arrestation.

Certains, à l'instar de Mahmoud Ahmed Abdelkader rapportent également avoir fait l'objet du supplice de la " fallaqa " qui consiste en des coups de bâtons portés sur la plante des pieds jusqu'à ce que ceux-ci soient ensanglantés.

Tous ont également été contraints à rester debout contre un mur durant de longues périodes ou assis plusieurs jours sur un tabouret ; ainsi Naif Salem Al Baqqar a été obligé de rester assis sur un tabouret pendant 06 jours consécutifs et sans interruption et il était violemment battu par ses tortionnaires qui se relayaient auprès de lui dès qu'il montrait un signe de faiblesse ou de fatigue.

Il a ensuite été pendu au plafond par les poignets durant plusieurs heures et les militaires ont menacé de faire venir son épouse pour la violer.

Omar Azzedine Al Ali a également, malgré son état de santé déficient, été contraint de rester debout durant 48 heures, puis assis sur un tabouret durant trois jour consécutifs et enfin pendu par les poignets jusqu'à l'évanouissement; il a également été menacé de viol ainsi que son épouse.

Tous ont ainsi été privés de sommeil durant parfois plusieurs jours de suite, les tortionnaires se relayant la nuit pour les empêcher de s'endormir. Ils leur a aussi été interdit de se rendre aux toilettes pour leurs besoins naturels.

A l'issue de cette période de torture au siège du ministère de la défense, il ont été présentés devant un magistrat militaire qui les a inculpés de tentative de constitution de groupe armé et d'atteinte à la sûreté de l'état.

Ils ont ensuite été transférés vers une division spéciale de la prison de Roumié où ils se trouvent actuellement. Ils ont été privés de soins en dépit des blessures qu'ils avaient subies, des séquelles de la torture et de l'état de délabrement physique et moral dans lequel ils se trouvaient après ces semaines de sévices.

Le juge d'instruction militaire sollicité par plusieurs d'entre eux pour désigner un expert médical à l'effet d'établir les tortures dont ils ont fait l'objet et dont ils gardent encore les traces à ce jour, a refusé leur requête au motif " qu'il n'était pas habilité à faire droit à une telle demande " et qu'il " appartient aux requérants de rapporter la preuve des tortures qu'ils ont subies ".

Une telle réponse des autorités judiciaires démontre toute la mauvaise foi de la juridiction militaire, juge et partie, et laisse présager de l'issue du procès en cours.

Alkarama for Human Rights craint particulièrement que les procès verbaux établis sur la base des aveux arrachés sous la torture ne soient pris en considération dans leur cas par la juridiction militaire de jugement et ne servent à les condamner à de lourdes peines d'emprisonnement.