Jordanie: Le Comité des droits de l'homme examine le rapport périodique les 13 et 14 octobre 2010

Le royaume de Jordanie a soumis en mars 2009 au Comité des droits de l’homme son quatrième rapport périodique. Celui-ci est examiné le 13 et 14 octobre 2010 lors de la 100e session du Comité. Alkarama contribue à ce processus d'examen avec un rapport dans lequel elle exprime une série de préoccupations.

Les autorités jordaniennes ont introduit différentes mesures destinées à montrer leur volonté à respecter les droits de l'homme : création d'un Centre national des droits de l'homme en 2003, autorisation des visites de la Croix rouge dans les prisons, ainsi que du centre de la GID à Amman, visite du Rapporteur spécial sur la torture en 2006, mise en place de bureaux chargés des droits de l'homme dans plusieurs ministères. Mais cette multiplication d'institutions et de mesures par les pouvoirs publics n'entraîne pas nécessairement une amélioration significative de la situation ; la société civile, placée sous un contrôle plus ou moins étroit, peine encore à s'exprimer et à agir. Des lois répressives ont été promulguées restreignant notamment sensiblement la liberté d'expression et d'association.

Le 1er novembre 2006, une nouvelle loi antiterroriste (Prevention of Terrorism Act) a été promulguée. Elle est contraire aux normes internationales relatives à la protection des droits de l'homme dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et à la résolution 1566 (2004) du Conseil de sécurité de l'ONU. Elle donne en effet une définition des « activités terroristes » tellement extensive qu'elle autorise en pratique l'arrestation et la détention de personnes qui n'ont fait qu'exprimer pacifiquement des opinions sur la politique du royaume. Elle prévoit de poursuivre pénalement les personnes qui, par exemple, ont apporté une contribution ou un financement à une organisation caritative qui a, par la suite, été déclarée par les autorités comme une « organisation terroriste ».

Cette loi antiterroriste institutionnalise le délit d’opinion en prévoyant également que des personnes peuvent être arrêtées, jugées et condamnées pour avoir diffamé les responsables de l'Etat ou diffusé des informations fausses ou exagérées à l'extérieur du pays, susceptibles de porter atteinte à la « dignité du pays ».

De plus, le texte accorde un pouvoir renforcé aux services de sécurité qui peuvent arrêter et placer en détention toute personne qu'elles soupçonnent de terrorisme, et en premier lieu, à la Direction générale du renseignement (GID) chargée de la répression des opposants politiques.

La loi interdit l’arrestation et la détention arbitraires. Les gardes à vue prolongées sont toutefois légalement prévues, elles peuvent durer jusqu'à six mois mais dans la réalité, elles ne sont pas toujours ordonnées par un magistrat.

La loi jordanienne interdit l'obtention de tout élément de preuve ou toute information par la contrainte physique ou psychologique, or de nombreux prévenus ont affirmé devant les juridictions de jugement et en particulier devant la cour de sûreté de l’Etat que les forces de sécurité les ont torturés pour leur extraire des « aveux ». Les tribunaux ont fait abstraction de ces allégations et les ont condamnés sur la base de ces seuls aveux.

La Direction générale du renseignement est le principal service responsable de violations des droits des détenus politiques. Ses membres disposent de larges prérogatives et agissent anonymement ce qui renforce leur impunité. Selon nos informations, de nombreuses personnes ayant été détenues dans les locaux de ces services n'ont aucun contact avec le monde extérieur, parfois pendant des années. Les autorités civiles et judiciaires ne sont pas informées et ne disposent pas de la faculté d’intervenir pour que les lois soient respectées par les officiers du service de renseignement.

Parmi les recommandations d'Alkarama figurent les points suivants:
- Mettre fin à la pratique de la détention au secret en plaçant tous les lieux de détention sans exception sous le strict contrôle du ministère de la justice.

- Placer immédiatement sous la protection de la loi toutes les personnes actuellement détenues au secret et les autoriser à saisir un tribunal impartial et indépendant pour examiner la légalité de leur détention.

- Transférer toutes les personnes dont le maintien en détention est jugé nécessaire par un tribunal indépendant dans un centre de détention où elles doivent jouir de la plénitude de leurs droits et de garanties conformes aux obligations de la Jordanie en matière de droits de l'homme.

- Mettre fin à la pratique de la détention administrative et procéder à la libération immédiate de toutes les personnes détenues par les gouverneurs des provinces sans que des charges aient été retenues contre elles et sans qu'elles n’aient été présentées devant un juge.

- Enquêter rapidement et en toute indépendance sur toutes les allégations de torture ou d'autres mauvais traitements ; traduire en justice les auteurs de tels actes et exclure de la procédure pénale toutes preuves ou déclarations obtenues par la torture.