Djibouti: Recours excessif à la force par la police et l'armée et agressions de membres de l'opposition

Recours excessif à la force par la police et l'armée et agressions de membres de l'opposition

Le 21 décembre 2015, à l'aube, la police et l'armée djiboutienne ont violemment dispersé une cérémonie religieuse à Balbala, près de Djibouti-ville. Bien qu'il reste encore difficile d'estimer le nombre de victimes et de blessés, il apparaît que les forces étatiques ont eu recours à la force létale de manière disproportionnée. Le même jour, de nouvelles violations ont été rapportées lors de l'assaut par la police du domicile d'un membre de l'opposition, menant à l'hospitalisation de plusieurs membres de l'Union pour le Salut National (USN) – la coalition de l'opposition. Alkarama condamne de tels agissements et, afin d'appeler à l'ouverture d'enquêtes indépendantes et impartiales sur ces événements, saisira le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (SR SUMX).

Le 21 décembre, de nombreux membres de la communauté Yonis Moussa – appartenant au clan Issa – s'étaient réunis à Balbala, une zone frontalière de Djibouti-ville, pour participer à une cérémonie religieuse lorsque la police est intervenue pour les disperser, sans raison apparente. Face à la résistance des membres de cette communauté, la police a alors fait usage de la force et a tiré à balles réelles contre les participants, appuyée ensuite par l'armée et tout particulièrement par la garde républicaine. Alors que les chiffres officiels et ceux de l'opposition diffèrent, il apparaît que de nombreux civils sont décédés et des dizaines de personnes, y compris des policiers, ont été blessées.

Compte tenu des rapports préliminaires et du risque d'escalade de la violence pouvant résulter de tels évènements, il est essentiel qu'une enquête indépendante et impartiale soit ouverte et que les personnes ayant commis des fautes soient poursuivies et jugées. L'Union Européenne, par la voix du Porte-parole de son Service d'Action Extérieure, a d'ailleurs fait une demande en ce sens et appelé les autorités à respecter l'État de droit.

Cela d'autant plus que dans l'après-midi, la police a effectué un raid sur le domicile d'un membre de l'USN, Djama Amareh Meidal, où se tenait une réunion de l'opposition. Alors que la police a encore fait usage d'armes létales et de gaz lacrymogènes contre les personnes présentes, Said Houssein Robleh, un député régulièrement harcelé par les autorités, Ahmed Youssef Houmed, président de l'USN et Hamoud Abdi Souldan, ancien ministre des Affaires musulmanes, ont été blessés et ont dû être hospitalisés en urgence à l'hôpital militaire français Bouffard. Toujours en soins intensifs, ils risquent d'être arrêtés après leur hospitalisation, les autorités ayant lancé de nombreuses opérations de répression à l'encontre de l'opposition depuis que l'actuel Président Ismail Omar Guelleh a officialisé sa candidature à l'élection présidentielle d'avril 2016, où il briguera un quatrième mandat consécutif.

« Les événements tragiques du 21 décembre montrent que les autorités ont franchi un cap dans la répression, visant cette fois une cérémonie religieuse pacifique et en faisant usage par la suite de la force létale contre des membres de l'opposition, » a déclaré Rachid Mesli, directeur juridique d'Alkarama. « De tels incidents doivent faire l'objet d'enquêtes et ne peuvent rester impunis au risque qu'ils se banalisent et que les épisodes de violence se multiplient. »

Compte tenu de la situation sociale et politique à Djibouti et des échéances électorales à venir, Alkarama continuera de suivre la situation des droits de l'homme dans le pays et documentera en ce sens les violations perpétrées le 21 décembre auprès du Rapporteur Spécial des Nations Unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (SR SUMX) afin qu'une enquête indépendante et impartiale soit ouverte. Les autorités doivent garantir que toute personne puisse librement exprimer ses opinions et se réunir pacifiquement, conformément aux articles du Pacte international sur les droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par Djibouti en 2002.

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