Algérie: Deux militants des droits de l'homme détenus arbitrairement

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Le 15 novembre 2015, la police a arrêté Adel Ayachi et Tijani Ben Derrah, deux bloggeurs et militants des droits de l'homme qui avaient participé la veille à une manifestation pacifique pour la liberté d'expression. Presque trois mois plus tard, les deux activistes sont toujours détenus à la prison d'El Harrach, dans la banlieue d'Alger dans l'attente de leur procès. Alkarama a ainsi saisi de leur situation le Rapporteur Spécial des Nations Unies sur la situation des Défenseurs des Droits de l'Homme (RS DDH) le 8 février 2016.

Suite à leur participation à ce sit-in pacifique tenu le 14 novembre 2015 à Alger pour dénoncer les atteintes répétées à la liberté d'expression et appeler à la libération d'Hassan Bouras − un journaliste et militant des droits de l'homme qui avait été arrêté à Al-Bayadh le 2 octobre 2015 − Adel et Tijani ont été interpellés sur la voie publique alors qu'ils se dirigeaient vers un commissariat de la capitale pour apporter leur soutien à une autre activiste, Manar Mansri, convoquée par la police plus tôt dans la matinée et libérée le même jour.

Durant leurs interrogatoires, ils ont dû répondre de leur participation à la manifestation du 14 novembre et de leurs activités de journalistes en ligne. Au terme d'une garde à vue particulièrement éprouvante durant laquelle ils ont été privés de nourriture pendant plusieurs jours et soumis à une pression psychologique intense, ils ont été déférés devant le parquet du tribunal d'Alger. Une information judiciaire a été ouverte à leur encontre pour « outrage à corps constitué » et « apologie du terrorisme » sans qu'aucun fait précis ne leur soit imputé.

« La répression des militants pacifistes comme Adel et Tijani à travers de fausses accusations s'inscrit dans une politique de répression menée par le régime depuis les années 90 et la décennie noire qui a entraîné des milliers de morts, des dizaines de milliers de disparus et un grand nombre de personnes déplacées », explique Manar Mansri. « Alors qu'Adel a fait le choix des mots à travers son blog pour éduquer la jeunesse à la lutte pacifique plutôt qu'à la violence et au terrorisme, il se retrouve accusé de faire l'éloge du terrorisme qu'il combat précisément » continue-t-elle avant de conclure: « En répétant les erreurs du passé, les autorités algériennes risquent de pousser la situation jusqu'à l'explosion, alors que l'activisme pour les droits de l'homme et la lutte pacifique à travers les blogs et les autres moyens d'expression pacifiques cherchent à épargner l'Algérie d'une révolution chaotique ».

La détention de MM. Adel Ayachi et Tijani Ben Derrah témoigne de la volonté du pouvoir de réduire drastiquement les espaces de liberté dans le pays. À noter que l'Algérie reste loin derrière − 119ème place sur 180 − dans le classement 2015 sur la liberté de la presse établi par l'ONG Reporters Sans Frontières.

Préoccupée par les violations répétées des articles 19 et 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) − ratifié par l'État en septembre 1989 − qui garantissent respectivement la liberté d'expression et le droit de réunion pacifique en Algérie, Alkarama dénonce la répression qui frappe actuellement toute personne exprimant pacifiquement des opinions discordantes sur internet ou dans la rue. Entre autres, notre Fondation appelle le RS DDH d'enjoindre aux autorités algériennes à libérer dans les plus brefs délais ces deux défenseurs des droits de l'homme.

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